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9 juin 2025

Le mythe de l’avortement en tant que génocide des Noir·es: recouvrer nos choix en matière de procréation

Dobbins-Harris, Shyrissa, Cadorette, Patrick et Dupuis-Déri, Francis

Informations sur la traduction 
Traduction de l’anglais par Patrick Cadorette. Révision par Francis Dupuis-Déri et Mélissa Blais

Source du texte original 
Shyrissa Dobbins-Harris, « The Myth of Abortion as Black Genocide: Reclaiming our Reproductive Cycle », National Black Law Journal, vol. 26, no. 1, 2017 (article évalué par les pairs, et reproduit ici légèrement écourté, avec l’aimable autorisation du comité éditorial de la revue National Black Law Journal)
Note sur la traduction :  
Il est important de reconnaitre qu’il y a une très longue tradition d’hommes afro-américains proféministes, entre autres l’ex-esclave Frederick Douglass et le premier sociologue afro-américain W.E. du Bois (voir le livre Womanist Forefathers: Frederick Douglass and W.E.B. Du Bois), ou encore des collectifs comme Black Men for the Eradication of Sexism, qui déclarait dans les années 1990 : « Nous vivons dans une société qui en plus d’être raciste, classiste, homophobe et capitaliste est aussi fondamentalement sexiste. […] Nous ne sommes pas immunisés contre le sexisme du fait que nous sommes noirs. […] La masculinité est une création sociale unidimensionnelle qui n’a rien à voir avec la réalité biologique. Les notions comme “masculin” et “féminin” ne servent qu’à entretenir le sexisme » (voir aussi l’article de Keon M. McGuire et als., « In search of progressive Black masculinities : Critical self-reflections on gender identity development among Black undergraduate men », Men and Masculinities, vol. 17, no. 3, 2014). Cela dit, la nation afro-américaine est aussi traversée de discours justifiant la domination masculine, parfois au nom de traditions africaines mythifiées, et d’autres ouvertement antiféministes et même masculinistes qui accusent les femmes afro-américaines — les mères monoparentales ou les afroféministes — de dominer et d’opprimer « leurs » hommes, de trahir leur communauté et leur cause, sous prétexte que le féminisme serait nécessairement une affaire de femmes blanches. Même si ces passages sont rarement discutés en études féministes au Québec, des icônes de la pensée féministe noire, comme Angela Davis, Patricia Hill Collins et bell hooks ont bien analysé de manière critique le discours masculiniste de leurs « frères » afro-américains. Ainsi, au sujet du militantisme du mouvement des droits civiques des années 1960-70, Angela Davis explique que ses camarades « ont commencé à parler contre “les femmes qui prennent le contrôle de l’organisation” — évoquant un coup d’État matriarcal. Tous les mythes au sujet de la femme noir sont remontés à la surface. Nous étions trop dominatrices ; nous voulions tout contrôler, y compris les hommes — ce qui signifiait donc que nous voulions les priver de leur masculinité. En jouant un rôle de leadership dans l’organisation, disaient certains, nous aidions et nous étions complices de l’ennemi, qui voulait voir les hommes noirs faibles et incapables de se tenir debout. » [Cynthia Griggs Fleming, « Black women and Black Power: The Case of Ruby Doris Smith Robinson and the Student Nonviolent Coordinating Committee », Bettye Collier-Thomas, V.P. Franklin (dir.), Sisters in the Struggle: African American Women in the Civil Rights-Black Power Movement, New York, New York University Press, 2001, p. 208]. Dans le même esprit, Frances M. Beal, célèbre pour son texte « Double jeopardy: to be Black and female », expliquait à la fin des années 1960 que « [c]ertains hommes noirs prétendent qu’ils ont été castrés par la société, mais que les femmes noires ont pu d’une certaine manière échapper à cette persécution et qu’elles ont même contribué à cette émasculation. […] Il est vrai que nos maris, nos pères, nos frères et nos fils ont été émasculés, lynchés et brutalisés [par des Blancs]. Mais il s’agit d’une distorsion terrible que de prétendre que les femmes noires ont opprimé les hommes noirs. » [Frances Beale, « Double jeopardy: to be Black and female », Toni Cade Bambara (dir.), Black Woman: An Anthology, New York, Washington Square Press, 112]. Ce texte de la juriste Shyrissa Dobbins-Harris présente justement l’antiféminisme afro-américain dans une perspective à la fois historique et dynamique, en lien avec les réactions des afroféministes pour contrer ce contre-mouvement au sein même de leurs communautés. Le texte est d’autant plus pertinent qu’il traite plus spécifiquement de la délicate question du droit à l’avortement et de la justice reproductive aux États-Unis, sous attaque un peu partout dans le pays après la décision de la cour suprême d’invalider Roe vs. Wade, en 2022. Pour en savoir plus sur l’antiféminisme afro-américain, on pourra aussi lire Hélène Charlery, « Le patriarcat ou le féminisme noir », Revue française d’études américaines, no. 114, 2007, pp. 77-87, ainsi que Nikol G. Alexander-Floyd, Gender, Race, and Nationalism in Contemporary Black Politics, Palgrave Macmillan, 2007. Pour élargir l’horizon, on pourra aussi lire Danielle Magloire, « L’antiféminisme en Haïti », dans Sabine Lamour, Denyse Côté, Darline Alexis (dir.), Déjouer le silence : contre-discours sur les femmes haïtiennes, Montréal, Remue-ménage/Mémoire d’encrier/PressuniQ, 2018, pp. 199-212.
Note de Francis Dupuis-Déri, professeur de science politique à l’UQAM et codirecteur, avec la sociologue Mélissa Blais (UQO), du Chantier sur l’antiféminisme du Réseau québécois en études féministes (RéQEF), dont l’aide financière a permis de réaliser cette traduction.

À ma première année à l’université, j’ai été confrontée à une représentation aussi fausse que préjudiciable de mes choix en matière de santé, sous la forme d’une condamnation de l’avortement. Ironiquement, c’est dans le cadre d’un congrès portant sur l’autonomisation et la mobilité ascendante des jeunes Noir·es, où j’œuvrais comme bénévole, que cela m’est arrivé. Pas plus d’une semaine auparavant, j’avais moi-même pris des comprimés de misoprostol pour précipiter l’expulsion – ou l’avortement – d’un fœtus, et j’avais ressenti un soulagement immédiat. Je m’étais sentie en pleine possession de mes moyens. J’avais senti que mon existence comptait, non pas en tant que future mère, mais en tant que personne à part entière. Que j’étais importante et que mon avenir avait de la valeur. Pour une raison qui m’échappe, un homme Noir plus âgé, a priori animé de bonnes intentions, s’est alors mis à me faire la leçon sur la « guerre par l’avortement » menée contre nos communautés. À ce moment et à cet endroit précis, au comptoir d’enregistrement où je travaillais, mon soulagement s’est transformé en doute et en dégoût. Je me suis excusée de mon poste, puis me suis dirigée vers les toilettes les plus proches pour pleurer. J’ai essayé de joindre mon compagnon de l’époque, qui, fidèle à son habitude, n’a pas daigné répondre. Cet appel manqué est un rappel symbolique que lorsqu’il s’agit de « choisir » l’avortement, nous, les Femmes-Noires1Voir Cheryl I. Harris, « Whiteness as Property », Harvard Law Review, vol. 106, no 8, 1993, p. 1707, 1719, note no. 34. Dans cet article, je souscris à la justification de Cheryl Harris pour l’utilisation de la désignation « Blackwomen » [N.D.T. ci-après« Femmes-Noires »] : « Mon emploi du terme “Blackwomen” relève d’un effort pour tenir un langage reflétant clairement l’unicité de l’identité à la fois “Noire” et “Femme”, sans que l’un ou l’autre de ces facteurs d’identité prédomine ou soit subordonné à l’autre. Il s’agit d’une tentative consciente de concrétiser ce qui a été théorisé ailleurs, à savoir que, comme le fait observer Kimberlé Crenshaw, “les femmes noires existent à la croisée des hiérarchies de genre et raciale” » [Traduction libre.]; Ibid. (citant Kimberlé Crenshaw, « Whose Story Is It, Anyway?, Feminist and Antiracist Appropriations of Anita Hill », dans Toni Morrison (éd.), Race-ing Justice, En-gendering Power: Essays on Anita Hill, Clarence Thomas, and the Construction of Reality, 1992,  p. 402, 403-04); voir aussi Kimberlé Crenshaw, « Demarginalizing the Intersection of Race and Sex: A Black Femi­nist Critique of Anti-Discrimination Doctrine, Feminist Theory and Anti-Racist Politics », University of Chicago Legal Forum, vol. 1989 (1), p. 139., sommes généralement livrées à nous-mêmes. En tant que Femmes-Noires, nous sommes bien souvent seules lorsque nous prenons la décision d’interrompre une grossesse, puis seules de nouveau lorsque vient le temps d’exécuter cette décision. J’écris cet article dans l’espoir qu’il contribuera à soulager les filles et les jeunes Femmes-Noires qui seront confrontées au même « choix » que moi. J’espère également qu’il servira de rappel de notre humanité, pleine et formidable. Nous ne sommes pas, et n’avons jamais été, de simples contenants d’où naissent les révolutionnaires. Nous sommes la révolution.

Introduction

Certaines personnes anti-choix2La terminologie employée par ces activistes sur leurs sites web et dans leur propre matériel est « pro-vie ». Contrairement à certain·es auteur·rices, j’ai choisi de ne pas utiliser ce terme et de mettre plutôt l’accent sur le mot-clé « choix », les personnes favorables au choix en matière de procréation étant désignées comme « pro-choix », et les personnes s’opposant à ce choix, y compris à l’avortement, étant désignées comme « anti-choix »., antiracistes proclamées, estiment que l’avortement est un autre instrument de la suprématie blanche employé pour commettre un génocide contre la race3L.E.A.R.N. NETWORK, « Abortion & Genocide, Black Genocide », [en ligne], [http://www.blackgenocide.org/abortion.html] (consulté le 6 janvier 2017). Noire4Je mets le mot « Noir » en majuscule tout au long de cet article, pour les raisons exprimées avec éloquence par Cheryl Harris et Kimberlé Crenshaw dans « Whiteness as Property », op. cit. [N.D.T. Par soucis de conformité à l’esprit du texte, la majuscule est privilégiée pour le mot « Noir » dans la version française, et ce, qu’il soit employé comme substantif ou adjectif, contrairement aux prescriptions de la grammaire française.] Au contraire, compte tenu de l’histoire politique de la blanchité et de sa dépendance à la subordination des personnes Noires, la majuscule aux mots « blanc » et « blanchité » tendrait à renforcer cette domination, et est conséquemment omise. […]. Le postulat qui sous-tend ce mythe est que les Femmes-Noires sont dépourvues de l’esprit critique nécessaire pour éviter l’écueil tragique qu’est le « meurtre de leurs bébés5Les tenant·es de ce mythe opèrent habituellement une personnification du fœtus avorté en lui attribuant le statut de bébé, d’enfant ou de personne. Voir Loxafamosity Ministries, « Medical Testimony », [en ligne], [http://www.abort73.com/abortion/medical_testimony/] (consulté le 6 janvier 2017). ». L’avortement chez les Femmes-Noires est souvent imputé aux femmes blanches et à leur féminisme, qui ne serait qu’un procédé insidieux pour éradiquer les personnes Noires aux États-Unis6  Le postulat selon lequel le féminisme est une invention des femmes blanches, et d’elles seules, ignore complètement la longue histoire de l’activisme féministe des Femmes-Noires. Voir Stacey Tisdale, « Gloria Steinem on Black Women ‘They Invented the Feminist Movement’ », Black Enterprise, [en ligne]. (Pour citer Gloria Steinem : « […] la partie du mouvement issue de la classe moyenne blanche a davantage été médiatisée, mais si vous examinez les chiffres et la toute première enquête d’opinion interrogeant des femmes sur les questions féministes, les femmes afro-américaines étaient deux fois plus susceptibles de soutenir le féminisme et les questions féministes que les femmes blanches. ») [Traduction libre.]. On trouve parmi les principaux apôtres de ce mythe des candidats à la présidence aussi bien que des chefs religieux, comme Louis Farrakhan et le pasteur Clenard Childress7Le pasteur Childress est le fondateur de L.E.A.R.N. (Life Education And Resource Network) et l’organisateur de la marche annuelle afro-américaine « Say So » pour mettre fin à l’avortement. Voir L.E.A.R.N. NETWORK, « The Director », « Black Genocide », [en ligne], [http://www.blackgenocide.org/abortion.html] (consulté le 6 janvier 2017); BLACK NEWS, « Pro-Life African Americans March to the Supreme Court Hoping to Bring an End to Abortion », [en ligne], 23 octobre 2014, [http://www.blacknews.com/news/learn-african-american-pro-life-group-march-end-abortion/#.Vob63DZlnBI].. Certain·es activistes anti-choix Noir·es croient également que la contraception et toute autre pratique limitant la conception d’enfants Noir·es constituent un acte de génocide contre la race Noire8Simone M. Caron, « Birth Control and the Black Community in the 1960’s: Genocide or Power Politics », Journal of Social History, vol. 31, 1998, p. 546..

Le présent article examine le mythe de l’avortement en tant que génocide des personnes Noires, particulièrement en ce qui a trait aux Femmes-Noires et à leurs droits reproductifs, ainsi que les fondements de ce mythe et les arguments mis de l’avant par ses tenant·es. […]

La définition juridique du génocide

Dans la Convention de 1948 pour la prévention et la répression du crime de génocide, l’Organisation des Nations unies définit le génocide comme :

l’un quelconque des actes ci-après, commis dans l’intention de détruire, ou tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel :

  1. a) Meurtre de membres du groupe; b) Atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe; c) Soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle; d) Mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe; e) Transfert forcé d’enfants du groupe à un autre groupe9ORGANISATION DES NATIONS UNIES, Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, article II, le 9 décembre 1948. Recueil des Traités, vol. 78, p. 277..

Les activistes anti-choix proposent rarement une définition claire du génocide, mais en évoquant cette définition des Nations unies, largement reconnue, il est probable qu’iels mettent l’accent sur le point « a ». La rhétorique mise de l’avant par ces activistes tient pour acquis le statut de personne à part entière de tous les fœtus Noirs, l’avortement étant ainsi présenté comme le meurtre d’un membre de la race Noire10Emily Crockett, « ‘All Lives Matter’ Is Now Being Used against Abortion Rights », Vox, [en ligne], 10 janvier 2016, [http://www.vox.com/2016/1/10/10745722/all-lives-matter-abortion].. […]

Bien que cela soit illogique, les activistes anti-choix accusent de la même manière les fournisseurs de services d’interruption de grossesse et les législatures pro-choix de ce qu’iels considèrent comme des comportements génocidaires. Selon le raisonnement anti-choix, le statut de personne commence à la conception; l’avortement est donc le meurtre d’un membre d’un groupe. L’exigence d’intention « de détruire, ou tout ou en partie » n’est pas prise en compte lorsque les activistes anti-choix accusent les Femmes-Noires de commettre un génocide par avortement. Afin de satisfaire l’exigence d’intention de la définition de génocide des Nations unies, les activistes anti-choix doivent prouver que les fournisseurs de services d’interruption de grossesse et les gouvernements qui autorisent l’avortement ont l’intention de détruire la race Noire. Pour tenir les fournisseurs de services responsables, ces activistes devraient logiquement transférer vers ceux-ci la faute qu’iels imputent aux Femmes-Noires, plutôt que de concentrer leurs efforts dans des campagnes d’affichages, des films et des sites Web clairement conçus pour manipuler les émotions.

L’exigence d’intention, en ce qu’elle se rapporte aux Femmes-Noires sur une base individuelle, est a priori éludée en effaçant la capacité de ces femmes à prendre des décisions éclairées. Au lieu de cela, la responsabilité est lourdement rejetée sur le gouvernement, qui maintient l’accès à l’avortement11Objectivement, l’avortement n’est pas particulièrement accessible, surtout pour les Femmes-Noires. Voir Mary Treadwell, « An African American Woman Speaks Out for Abortion Rights », dans  Rosalyn Baxandall et Linda Gor­don (éds.), Dear Sisters: Dis­patches From the Women’s Liberation Movement, 2000, p. 149., sur les médecins et les cliniques qui le pratiquent, et sur le (présumé) féminisme blanc, qui serait responsable de l’acceptation généralisée de l’avortement. Ainsi, les tenant·es du mythe du génocide reprochent aux Femmes-Noires de choisir l’avortement, mais cherchent dans le même temps à minimiser leur agentivité en rejetant la faute sur le féminisme blanc et les autorités gouvernementales.

Les tenant·es du mythe de l’avortement en tant que génocide pourraient aussi invoquer la section « d » de la définition des Nations unies, qui concerne la limitation des naissances au sein d’un groupe, en l’occurrence la race Noire. Bien que l’argument selon lequel le gouvernement des États-Unis cherche à empêcher les naissances chez les Femmes-Noires repose sur des constats historiques, l’avortement n’a pas fait partie, de manière générale, de l’arsenal du gouvernement en matière de coercition reproductive12Le gouvernement des États-Unis a bel et bien employé des fonds fédéraux pour stériliser des Femmes-Noires et offert des incitatifs financiers pour stimuler l’usage du contraceptif Norplant chez les femmes à faible revenu bénéficiaires de Medicaid [N.D.T. Le programme public d’assurance maladie]. Voir Dorothy Roberts, Killing the Black Body : Race, Reproduction, and the Meaning of Liberty, 1997, p. 104-149.. En se focalisant sur les Femmes-Noires en tant que coupables d’un génocide et en restreignant leur autonomie corporelle, ces activistes minent leur propre argumentaire en faveur de la libération de la race Noire. Plutôt que de condamner à juste titre les actions du gouvernement qui nuisent aux Femmes-Noires et à la communauté Noire tout entière (pauvreté endémique, violence policière, incarcération de masse, etc.), les tenant·es du mythe du génocide reprochent en fait aux Femmes-Noires d’exercer leurs propres droits en matière de procréation13Titania Kumeh, « Conspiracy Watch: Is Abortion Black Genocide? », Mother Jones, [en ligne], 12 octobre 2010, [https://www.motherjones.com/media/2010/10/abortion-black-genocide/].. 

La « misogynoire » et les stéréotypes de Femmes-Noires

Le mythe de l’avortement en tant que génocide des personnes Noires repose sur le déni de l’humanité des Femmes-Noires et de leur capacité à prendre des décisions d’ordre médical concernant leur procréation. Les tenant·es de ce mythe s’appuient fortement sur la « misogynoire », c’est-à-dire la misogynie visant les Femmes-Noires de manière spécifique. Le mot-valise « misogynoire » a été forgé par la féministe Noire queer Moya Bailey, qui cherchait un terme pour décrire correctement la forme particulière de haine (le sexisme racisé et le racisme sexiste) visant les Femmes-Noires, comme elle, en tant que telles14Kesiena Boom, « 4 Tired Tropes That Perfectly Explain What Misogynoire Is – And How You Can Stop It », Everyday Feminism,  [en ligne], 3 août 2015, [https://everydayfeminism.com/2015/08/4-tired-tropes-misogynoir/].. […]

Toutes les personnes qui ne sont pas des Femmes-Noires sont susceptibles de se rendre coupables de misogynoire, et en perpétuant le mythe de l’avortement en tant que génocide des Noir·es, les activistes anti-choix s’appuient en fait sur la misogynoire pour accuser les Femmes-Noires de commettre un génocide.

Les tenant·es de ce mythe sexualisent le racisme en centrant les Femmes-Noires et leurs utérus en tant que site du génocide, sans prendre en compte les actions de leurs partenaires masculins. Conséquemment, iels ont mentalement dissocié la Femme-Noire du fœtus dans son utérus. Il existe désormais un conflit potentiel (et souvent réel) entre les intérêts de la Femme-Noire (une personne réelle) et ceux de l’embryon (qui est personnifié par les activistes anti-choix)15Les activistes anti-choix comme le pasteur Childress et la Dre Aveda King estiment que le statut de personne commence au moment de la contraception. Je crois pour ma part que chaque femme a le droit de prendre ses propres décisions en matière de santé. Penny Starr, « Alveda King on ‘Black Lives Matter’—’From Conception to Natural Death’ », CNS News, [en ligne], 8 janvier 2015, [http://www.cnsnews.com/news/article/penny-starr/alveda-king-black-lives-matter-conception-natural-death]. J’estime que la capacité de prendre et d’exécuter des décisions en matière de procréation est un élément central de l’autodétermination des femmes et des filles. Il n’existe aucune situation concevable où j’estime, personnellement, que ce droit puisse être limité dans l’intérêt du fœtus. Selon l’Institut Guttmacher, les deux tiers des avortements sont réalisés à huit semaines de grossesse ou avant, et 91 % sont réalisés au cours des treize premières semaines de la grossesse. Il est largement admis que la viabilité du fœtus intervient entre la vingt-deuxième et la vingt-quatrième semaine de gestation et, même à ce stade, je ne crois pas que la capacité d’une femme à interrompre une grossesse doive être restreinte par la loi. […]. Il s’agit là d’une illustration du conflit fœto-maternel, une situation problématique imposée aux Femmes-Noires depuis l’époque de leur asservissement16Dorothy Roberts, op. cit., p. 39..

Les stéréotypes éculés de la « Jézabel » et de la « mammy » servent à justifier l’attention focalisée sur le potentiel reproductif des Femmes-Noires. Le stéréotype de la Jézabel dépeint certaines Femmes-Noires (en particulier les filles et les jeunes femmes) comme des séductrices aux mœurs légères et à l’appétit sexuel insatiable17David Pilgrim, « The Jezebel Stereotype », Jim Crow Museum of Racist Memorabilia, Ferris State University, 2012, [https://jimcrowmuseum.ferris.edu/jezebel/index.htm]. Ce stéréotype a notamment contribué à normaliser et, dans certains cas, à expliquer le viol des Femmes-Noires asservies par leurs maîtres ou par d’autres hommes. En 1859, une cour d’appel du Mississippi a renversé la condamnation à mort d’un esclave reconnu coupable d’avoir violé une Fille-Noire, également esclave, d’environ 9 ans18A. Leon Higginbotham, Jr., essai, « What Took Place and What Happened: White Male Domination, Black Male Domination, and the Denigration of Black Women », Washington Post, 1995., au motif que la loi ne reconnaissait pas le viol entre esclaves19Ibid. « Le crime de viol n’existe pas dans cet État entre esclaves africains; nos lois ne reconnaissant aucun statut marital entre esclaves, la régulation de leurs relations sexuelles est laissée à la discrétion de leurs propriétaires. Les règles de droit applicables à la race blanche en matière de relations sexuelles ne s’appliquent pas et ne peuvent pas, pour des raisons évidentes, s’appliquer aux esclaves. […] » [Traduction libre.] 

Ibid; Patricia A. Broussard, « Black Women’s Post-Slavery Silence Syndrome: A Twenty-First Century Remnant of Slavery, Jim Crow, and Systemic Racism—Who Will Tell Her Stories? », The Journal of Gender, Race and Justice, vol. 16, 2013, p. 373, 381; selon Merril D. Smith (éd.), Encyclopedia of Rape, 2004, p. 235.
. Malgré le très jeune âge de la victime, le stéréotype tenace de la Fille ou de la Femme-Noire aux mœurs légères a empêché que son viol soit reconnu par la loi.

Même après l’émancipation, l’on supposait que les Femmes-Noires étaient naturellement dévergondées et impudiques, et que conséquemment, il était impossible de les violer aux yeux de la loi20A. Leon Higginbotham, Jr., op. cit.. Comme l’écrit Dorothy E. Roberts, une universitaire et militante pour la justice sociale américaine : « L’image de la femme sexuellement insouciante qui ne peut pas être violée, qui consent toujours, et n’est donc pas protégée par la loi, est celle d’une Femme-Noire21Traduction libre. Dorothy E. Roberts, « Rape, Violence, and Women’s Autonomy », University of Pennsylvania Legal Schol­arship Repository, 1993, p. 359, 365.. » […] Après l’émancipation, les Femmes-Noires courraient toujours le risque d’être violées par leurs employeurs blancs, lesquels jouissaient d’un statut privilégié au sein d’un système juridique qui ne considérait toujours pas les Femmes-Noires comme des victimes de crimes sexuels méritant justice22Ibid., p. 366.. Même à l’époque moderne, pour chaque Femme-Noire qui signale avoir été violée, 15 autres ne le font pas23BUREAU OF JUSTICE STATISTICS SPECIAL REPORT. Hart and Rennison, 2003, U.S. Deptartment of Jus­tice.. De plus, la surincarcération des Femmes-Noires les expose à un risque accru de violences sexuelles à l’intérieur du système carcéral24« Une femme afro-américaine a huit fois plus de chances d’être incarcérée qu’une Américaine d’ascendance européenne. » [Traduction libre.] Amnesty International, Women in Prison : A Factsheet, p. 2, [http://www.prisonpolicy.org/scans/women_prison.pdf]..

En revanche, certaines Femmes-Noires sont désignées comme des « mammys » et sont poussées à remplir un rôle matriarcal fort et désexualisé. À la base, les mammys étaient des Femmes-Noires, bien rondes et généralement à la peau foncée, qui s’occupaient des enfants des maîtres, et plus tard des employeurs, avec un amour désintéressé25David Pilgrim, « The Mammy Caricature », Jim Crow Museum of Racist Memorabilia, Ferris State University, [https://jimcrowmuseum.ferris.edu/mammies/] (consulté le 6 janvier 2017).. Bien qu’elle soit littéralement une propriété, la mammy est toujours parfaitement aimable avec sa famille blanche et paraît se soucier sincèrement de son bien-être26Ibid.. Une représentation répandue de cette caricature non menaçante est celle d’Aunt Jemima, le personnage emblématique d’une populaire marque de sirop27Ibid.. Dans ses représentations modernes et contemporaines, le stéréotype de la mammy transfère l’ancienne affection pour la famille du maître sur sa propre famille Noire. […] L’esprit de la mammy est ainsi réintroduit chez les Femmes-Noires lorsqu’elles sont exhortées à penser d’abord au bien de leur fœtus avant de considérer leurs propres intérêts et désirs, si tant est qu’elles s’en soucient.

Les partisan·es du mythe de l’avortement en tant que génocide des Noir·es

De nombreux chefs religieux de plusieurs confessions chrétiennes, ainsi que les dirigeants de la Nation of Islam (NOI), prêchent que l’avortement par des Femmes-Noires participe du génocide28Clenard H. Childress Jr. est un pasteur baptiste, tandis que la Dre Alveda King est une chrétienne évangélique. Kathryn Joyce, « Abortion as ‘Black Genocide’: An Old Scare Tactic Re-Emerges », Political Research Associates [en ligne], 29 avril 2010.. Le pasteur baptiste Childress a prononcé la phrase : « L’endroit le plus dangereux pour un Afro-Américain est dans le ventre de sa mère afro-américaine29Traduction libre. Thomas D. Williams, « Black Pastor Tells NAACP Abortion is Racist Genocide », Breitbart, [en ligne], 20 juillet 2015, [http://www.breitbart.com/big-government/2015/07/20/black-pastor-tells-naacp-abortion-is-racist-genocide].. » Le pasteur Childress est le président de Life Education and Resource Network (L.E.A.R.N.), le plus important groupe anti-choix Noir aux États-Unis30Ibid.. Il a aussi lancé le site Web Blackgenocide.org en 2012, où il affirme que l’avortement a causé 15,5 millions de morts depuis 197331Voir Gerard M. Nadal, « Black Genocide and Planned Parenthood », Coming Home, [en ligne],  1er  février 2010, [https://www.gerardnadal.com/2010/02/01/black-genocide-and-planned-parenthood], (reproduisant un graphique présenté initialement par le révérend Childress, de L.E.A.R.N.)..

La Nation of Islam défend elle aussi des positions fortement anti-choix et anti-contraception, s’appuyant à la fois sur sa propre théologie et sur sa compréhension des services gouvernementaux en matière de procréation. Les conceptions et la théologie de la NOI ne sont pas celles de l’Islam sunnite ou chiite, dont elles diffèrent aussi considérablement en ce qui a trait à la race32Contrairement aux membres de la NOI, qui s’adresse exclusivement aux personnes Noires, les adeptes sunnites et chiites sont de races et d’ethnies diverses. « Dans les écrits religieux, la conception normative dominante fait écho à l’insistance, dans le Coran, sur le fait que la religiosité prime sur l’appartenance ethnique ou raciale. » [Traduction libre.] James Jankowski, « Islamic Views of Ethnicity and Race – Bibliography », J. Rank Science & Philosophy.. La NOI est une organisation strictement Noire qui défend des idéaux séparatistes et anti-blancs33« Nation  of  Islam »,  Southern  Poverty  Law Center.. De plus, la NOI personnifie Dieu en son fondateur, W.D. Fard, ce qui est en contradiction directe avec les interprétations classiques du Coran que respectent les sunnites et les chiites34Religious News Service, « Muslims See Contrasts with Nation of Islam Tents of Farrakhan’s Group Have Historically Different From Mainstream Islam’s. Publicity of Upcoming Million Man March Accents Distinctions », L.A. Times, [en ligne], 14 octobre 1995.. Elle considère en outre Elijah Muhammad comme un récent prophète de Dieu, en dépit du fait que Mahomet a proclamé qu’il était lui-même le dernier des prophètes35Ibid..

Au sein de son organisation, le « prophète » Elijah Muhammad prêchait un paternalisme strict à l’égard des Femmes et des Filles-Noires. Des femmes membres disent s’être senties en sécurité auprès de leurs frères de la NOI, notant « [qu’] ils ne vous permettaient pas de vous promener seule la nuit. Si vous alliez à une assemblée, vous pouviez être certaine que quelqu’un vous raccompagnerait à la maison36Traduction libre. Edward E. Curtis IV, Black Muslim Religion in the Nation of Islam, 1960-1975, 2006,  p. 121.. » Ce paternalisme avait également pour fonction de limiter les relations sexuelles préconjugales des Femmes-Noires au sein de la Nation. Un membre masculin raconte : « … Le fait d’être chaperonnée leur était bénéfique. Vous savez, pour éliminer cela (les avances sexuelles des hommes)37Traduction libre. Ibid. ».

L’idéologie séparatiste de la NOI comprenait la formulation d’un code moral distinct pour ses adeptes. L’avortement et la contraception n’avaient pas leur place dans ce code, et pour la NOI, ces choses constituaient en réalité des agressions racistes perpétrées par la majorité blanche contre la race Noire38Donald T. Critchlow, Intended Consequences: Birth Control, Abortion, and the Federal Government in Modern America, 1999, p. 142.. S’adressant à des étudiants et étudiantes d’origine dominicaine, le leader actuel, Louis Farrakhan a déclaré : « Du moment que vous êtes enceintes, votre utérus, mes sœurs, est sacré. C’est là que Dieu intervient, dans votre ventre… Le prochain scientifique qui triomphera de la maladie, le prochain dirigeant qui mènera le peuple à sa destinée, sortiront de votre ventre… C’est pourquoi la protection de votre ventre est primordiale39Traduction libre. « Nation of Islam Leader Warns Against Abortion », Dominica News Online, [en ligne], 5 décembre 2012, [http://www.dominicanewsonline.com/news/homepage/news/muslim-leader-warns-students-against-abortion].… »

Les remarques de Farrakhan mettent en lumière le statut supérieur conféré aux fœtus Noirs à naître. La présomption selon laquelle la Femme-Noire ne pourrait qu’accoucher du « prochain leader » ou d’un « scientifique qui triomphera de la maladie », supposé masculin, témoigne de la misogynoire qui sous-tend le traitement que réserve Farrakhan aux Femmes-Noires. Il affirme que Dieu, l’Être suprême dans la théologie de la NOI, intervient directement dans l’utérus des Femmes-Noires enceintes, ce qui laisse supposer que ces mêmes Femmes-Noires n’ont pas les qualités requises pour être elles-mêmes les grandes leaders politiques ou scientifiques de leurs propres communautés40[…] Dawn-Marie Gibson et Jamilah Kari, Women of the Nation: Between Black Protest and Sunni Islam, 2014, p. 139.. […]

Les admonitions du dirigeant de la NOI s’appuient aussi fortement sur les stéréotypes de la Femme-Noire, la mammy et la Jézabel. Il évoque la possibilité d’une réussite future pour le fœtus en gestation, dans l’espoir que cette potentialité suffise à persuader les Femmes-Noires de ne pas recourir à l’avortement. À l’occasion du vingtième anniversaire de la Million Man March, en 2015, Farrakhan prêchait ceci : 

« Maintenant, c’est votre corps, vous être libres d’en disposer à votre guise, mais il serait tragique que le prochain Sitting Bull41Sitting Bull est le chef des Hukpapas Lakotas qui a unifié toutes les tribus Lakota dans une lutte pour leur survie dans les Grandes Plaines, contre la puissance militaire des États-Unis et la doctrine de la « destinée manifeste ». West Film Project et WETA-TV, « New Perspectives on THE WEST », PBS, 2001. soit avorté… Il serait tragique que le prochain Malcolm X, ou Martin Luther King, ou Moïse ou Abraham ou Jésus soit jeté à l’égout. Vous ne savez pas qui sera votre enfant42Traduction libre. Penny Starr, « Farrakhan on Abortion: ‘It Would Be So Tragic If the Next’ MLK or Jesus ‘Was Flushed Away’ », CNS News, [en ligne], 12 octobre 2015.. »        

La rhétorique employée par Farrakhan présente d’abord le choix de l’avortement comme un geste égoïste, puis fait appel à l’abnégation de la mammy pour la convaincre d’accoucher. Il présume en outre que les fœtus menacés d’interruption pourraient devenir de grands et justes dirigeants, mais à l’inverse, ces fœtus pourraient tout aussi bien être les prochains Yacoub43Dans la théologie de la NOI, Yacoub est le père du diable et le scientifique maléfique responsable de la création de la race blanche par voie de consanguinité et d’infanticide. Eric Pement, « Luis Farrakhan and the Nation of Islam: Part Two », Cornerstone, vol. 26, 1997, p. 32-36.. Cette possibilité n’est pas évoquée, car Farrakhan et ses disciples préfèrent persuader les femmes d’accoucher plutôt que de les informer et de reconnaître leur agentivité quant à l’issue de leur grossesse. Au lieu de croire que la Femme-Noire enceinte pourrait elle-même devenir la prochaine sauveuse, Farrakhan transfère tous ses espoirs pour la race Noire sur son fœtus, présumé de sexe masculin. En éludant le riche potentiel des Femmes-Noires, y compris celles qui ont des grossesses non désirées et des avortements, Farrakhan s’appuie là encore sur la misogynoire pour contraindre les femmes à se conformer à ses idéaux anti-choix.

Au fil de l’histoire, de nombreux mouvements de libération des Noir·es ont aussi alimenté le mythe de l’avortement et de la contraception en tant que génocide des Noir·es. Les Black Panthers, le mouvement panafricaniste, et certains éléments du mouvement des droits civiques ont tous adopté à un moment ou à un autre la rhétorique anti-choix visant les Femmes-Noires et leurs fonctions reproductives44Simone M. Caron, op.cit., p. 546.. L’un des premiers leaders à le faire a été Marcus Garvey. Son Universal Negro Improvement Association (UNIA, Association universelle pour l’amélioration de la condition noire) prônait des politiques séparatistes tout en cherchant à créer des liens entre les membres de la diaspora africaine et les pays et les peuples d’Afrique45Marcus Garvey, History, [en ligne], 2009, [http://www.history.com/topics/black-history/marcus-garvey].. Garvey voulait mettre fin à l’impérialisme en Afrique ainsi qu’au racisme qui touchait les Noir·es aux États-Unis et dans les Caraïbes. Au46Garvey a été expulsé vers la Jamaïque en 1927. Ibid. moyen de leviers économiques, dont son journal, Negro World, et sa propre société maritime, la Black Star Line, Garvey a inspiré et ouvert la voie aux différents mouvements du nationalisme Noir qui ont suivi. En 1934, lors d’un congrès de l’UNIA à Kingston, en Jamaïque, Marcus Garvey a appuyé une résolution interdisant aux membres de l’organisation d’utiliser tout moyen de régulation des naissances47Robert A. Hill et Barbara Blair (éds.), Marcus Garvey: Life and Lessons: A Centennial Companion to the Marcus Garvey and Universal Negro Improvement Association Papers , 1998) p. 441..

Des dirigeants et des organisations aux États-Unis partageait la conception anti-contraception et anti-avortement de Garvey. […] Plusieurs sections de la National Association for the Advancement of Colored People (NAACP, Association nationale pour la promotion des gens de couleur) ont suivi le mouvement en cessant de soutenir l’accès à l’avortement au sein des communautés Noires48Simone M. Caron, op.cit., p. 546.

Le dirigeant d’une section de la NAACP en Floride, Martin Davies, a poussé ce raisonnement jusqu’à plaider en faveur d’une croissance démographique Noire : « Nos femmes doivent faire plus de bébés, pas moins… et tant que nous ne composerons pas de 30 à 35 pour cent de la population, nous ne serons pas en mesure d’influer sur la structure du pouvoir dans ce pays49Traduction libre. Loretta J. Ross, « African-American Women and Abortion », dans Rickie Solinger (éd.), Abortion Wars: A Half-Century of Struggle, 1950–2000, 1e éd., 1998, p. 180; reproduit dans Loretta J. Ross, « African-American Women and Abortion », Trust Black Women.. » Cette stratégie confondait le poids démographique, soit le nombre de personnes Noires au pays, et le pouvoir politique supposé de ce groupe. Curieusement, les femmes, qui représentent 51 % de la population totale50« Quick   Facts:   United   States », U.S. Census, [en ligne], [http://www.census.gov/quickfacts/table/PST045216/00] (consulté le 7 janvier 2017)., ne détiennent aujourd’hui que 20 % des sièges à la Chambre des représentants des États-Unis51Center for American Women & Politics, « Women in U.S. Congress 2015 », Rutgers Eagleton Institute of Politics, [en ligne], 2016.. Cet amalgame entre poids démographique et pouvoir ne tient pas compte de la discrimination, des écarts de pouvoir économique ou de la manière dont la suprématie blanche parvient à maintenir ses structures de pouvoir en dépit des changements progressifs52Considérons par exemple « l’émancipation » formelle de la population d’esclaves Noir·es, suivie presque immédiatement par les Codes noirs et le système de servitude par dette (péonage). Voir Michele Alexander, The New Jim Crow: Mass Incarceration in the Age of Colorblindness, 2012, p. 4.. Par exemple, « les politiques fiscales régressives, les salaires et les avantages sociaux en baisse, les compressions en matière de dépenses sociales et la concentration des décharges de matières toxiques dans les zones à forte population minoritaire et pauvre » jouent toujours un rôle dans l’oppression des populations Noires53Traduction libre. Doris Witt, « What (N)ever Happened to Aunt Jemima: Eating Disorders, Fetal Rights, and Black Female Appetite in Contemporary American Culture », dans Kimberly Wallace Sanders (éd.), Skin Deep, Spirit Strong The Black Female Body in American Culture, 2002, p. 252..

Le révérend Jesse Jackson, fondateur de People United to Save Humanity (PUSH) et figure de proue du mouvement des droits civiques, a quant à lui modifié sa position sur l’avortement tout au long de son illustre vie publique. En 1973, il a déclaré que « l’avortement est un génocide54Robert E. Johnson, « Legal Abortion: Is it Genocide or Blessing in Disguise? », Jet Magazine, vol. 43, no 26, 22 mars 1973, p. 15. », tout en continuant de soutenir l’usage de mesures contraceptives pour éviter les grossesses. Le révérend baptiste a ensuite approuvé l’amendement Hyde, qui interdisait le financement des avortements par le programme Medicaid. Il a aussi comparé les droits à la vie privée invoqués dans Roe c. Wade aux « prémisses de l’esclavage » : « Vous ne pouviez pas protester contre l’existence de l’esclavage ou contre le traitement des esclaves sur la plantation, car il s’agissait d’une question privée, et vous n’aviez donc pas le droit de vous en préoccuper55Traduction libre. Jesse Jackson, « How We Respect Life Is the Over-riding Moral Issue », Right to Life News, [en ligne], janvier 1977, reproduit dans Jesse Jackson, « How We Respect Life Is the Over-Riding Moral Issue », No Violence  Period.. »

Le révérend plaçait les fœtus sur le même pied, au plan moral, que les humains réduits en esclavage. Cette rhétorique cherche à faire porter la honte aux personnes pro-choix en leur rappelant les préjudices et les fondements juridiques de l’esclavage américain. Dans le même ordre d’idées, elle place les Femmes-Noires sur le même plan moral que les propriétaires d’esclaves et de plantations. Tout comme dans la rhétorique de la NOI, les utérus des Femmes-Noires sont comparés à des terreaux fertiles pour la race Noire et sa libération. En mettant ainsi en parallèle l’esclavage et l’avortement, le révérend Jackson désignait l’avortement des Femmes-Noires comme une forme d’opposition, ou à tout le moins, comme un obstacle à la libération des Noir·es. […] Jesse Jackson changera plus tard son fusil d’épaule et deviendra pro-choix lors de ses candidatures à l’investiture du Parti démocrate pour les élections présidentielles de 1984 et 198856« Rev. Jesse Jackson’s Abortion Flip Flop Timeline », Saynsumthn’s Blog, [en ligne], 10 mars 2011, [http://www.saynsumthn.wordpress.com/2011/03/10/rev-jesse-jacksons-abortion-flip-flop-timeline]..

Le Black Panther Party (BPP) était une organisation socialiste luttant pour la libération des Noir·es et de tous les peuples opprimés. Ses deux fondateurs étaient des hommes, mais la majorité de ses membres étaient des Femmes-Noires57Nicole Martin, « Women Key in Shaping Black Panther Party: Historian Reveals How African American Women Transformed Gender Roles in the Black Power Movement », Clayman Institute for Gender Research.. Le Black Panther Party Paper, qui était utilisé pour propager largement les idéaux et les programmes du parti partout aux États-Unis, a notamment fait paraître de nombreux articles condamnant l’utilisation de tout moyen de régulation des naissances, et en particulier la pratique de l’avortement58Jennifer Nelson, Women of Color and the Reproductive Rights Movement, 2003, p. 105.. Un article intitulé « Birth Control » [la régulation des naissances] déclarait : « Aucune pilule, aucun stérilet ni aucun traitement autre que la stérilisation de masse ne parviendra à restreindre notre croissance… chaque enfant né sera un révolutionnaire de plus que la structure du pouvoir devra chercher à gérer59Traduction libre. Ibid.. » On a là l’exemple d’une organisation militante Noire qui dit aux Femmes-Noires que leurs fonctions reproductives sont détachées de leurs propres désirs et besoins, et appartiennent plutôt à la communauté Noire ainsi qu’au mouvement de libération.

En assimilant les enfants à naître à de futurs combattants, révolutionnaires et guerriers, le BPP conférait au fœtus un statut de personne particulièrement vénérable. […] Ainsi, la Femme-Noire était réduite à sa fonction reproductrice, productrice de révolutionnaires et de combattants, et n’était pas elle-même reconnue comme une révolutionnaire à part entière.

Ces distinctions de genre sont loin d’être uniques au BPP […], mais les premiers documents de recrutement du parti mettaient l’accent sur l’importance de faire des hommes Noirs « des protecteurs des femmes et des enfants » et « la crème de la masculinité Noire60Voir Samuel Josephs, « Whose Revolution Is This? Gender’s Divisive Role in the Black Panther Party », Georgetown Journal of Gender and Law, vol. 9, 2008,  p. 403, 405, 408-09. […]… » Ces rôles étaient conçus comme des éléments nécessaires de la reconquête de la masculinité Noire qui, selon les fondateurs du parti, leur avait été dérobée par le racisme61Tracye A. Matthews, « “No One Ever Asks What a Man’s Role in the Revolution Is”: Gender Politics and Leadership in the Black Panther Party, 1966–71 », dans Bettye Collier-Thomas et V.P. Franklin (éds.), Sisters in the Struggle: African-American Women in the Civil Rights- Black Power Movement, 2001, p. 230-56.. Cette vision condescendante excluait à tort les Femmes-Noires du cadre de la protection de leurs propres personnes, en ignorant les contributions des Femmes-Noires aux mouvements des droits civiques ainsi que, par ailleurs, la violence qu’elles subissaient aux mains des hommes Noirs.

Elaine Brown, la seule femme présidente du BPP et ancienne rédactrice en chef du Black Panther Party Paper, a contribué à faire évoluer la plateforme du parti en matière de contraception durant son mandat, entre 1974 et 1977. Elle s’est ouvertement prononcée en faveur de la régulation des naissances et de l’avortement, mais a continué à s’opposer à toute forme de planification familiale qui serait imposée aux communautés Noires par le gouvernement62« American Black Nationalist on Population Control », Family Planning, Stanford University, [en ligne],  20 novembre 2008, [http://stanford.edu/group/womenscourage/cgi-bin/blogs/familyplanning/2008/11/20/american-black-nationalists-on-population-control]..  

L’histoire au féminin63J’utilise le terme « herstory » [N.D.T. l’histoire au féminin] au lieu du terme courant « history » afin déplacer le point focal lorsqu’il est question des préjudices subis par les Africain·es réduit·es en esclavage. Plutôt que de faire de l’expérience des femmes et des filles une sorte de considération secondaire, je les situe au centre de l’analyse. […] De plus, en me concentrant sur l’« herstory », je cherche à replacer les Femmes-Noires au centre de leurs histoires, en tant que participantes actives, au lieu de les dépeindre comme des actrices passives qui se contentent de survivre à leur oppression. des Femmes-Noires et du contrôle de la procréation

Les Femmes-Noires ont été soumises à un contrôle coercitif de leurs fonctions reproductives depuis leur arrivée forcée aux États-Unis64Ce n’est pas à dire que seules les Femmes et les Filles-Noires ont vu leurs fonctions reproductives contrôlées par les blancs. Les hommes Noirs réduits en esclavage étaient quant à eux forcés de se reproduire ou étaient castrés à la convenance de leurs maîtres. Voir Dorothy Roberts, Killing the Black Body: Race, Reproduction, and the Meaning of Liberty, 1997, p. 104-149.. Bon nombre des tenant·es de l’avortement en tant que génocide des Noir·es fondent en fait leur méfiance à l’égard de l’avortement sur cette longue et terrible histoire des Femmes-Noires. Toutefois, plutôt que de garantir aux femmes les moyens et l’autonomie dont elles ont besoin pour prendre les meilleures décisions en matière de procréation, ces personnes préconisent l’interdiction généralisée de l’avortement dans une démarche malavisée de réparation des vies Noires perdues lors du Passage du milieu et de la période esclavagiste65 Dick Gregory, un activiste bien connu, exprimait en ces termes son opposition au droit à l’avortement : « Ma réponse au génocide, bien simplement, est huit enfants Noirs et un autre en chemin. » [Traduction libre.] Thomas B. Littlewood, The Politics of Population Control, 1977,  p. 18.. Le recours au contrôle de la reproduction par les esclavagistes, le gouvernement des États-Unis et les institutions sanitaires a instillé un scepticisme tout à fait justifié au sein de la communauté Noire. Toutefois, « les Femmes-Noires doivent pouvoir exercer leur jugement sans craindre les représailles de la part des éléments patriarcaux, bourgeois et culturellement répressifs au sein de la communauté Noire66Traduction libre. Regina Austin, « Sapphire Bound! », dans Kimerblé Crenshaw et coll. (éds.), Critical Race Theory: The Key Writings that Formed the Movement, 1995, p. 426, 433.. »

Les Femmes-Noires en situation de servitude

Pour les Femmes-Noires en situation de servitude, la grossesse en tant que telle était une sorte de Passage du milieu. Par voie de procréation, elles amenaient un autre être humain en servitude. Les Femmes-Noires aimaient leurs enfants, mais elles savaient aussi qu’en les mettant au monde, elles les condamnaient à l’esclavage et contribuaient par le fait même à la richesse de leur maître. Les enfants nés de Femmes-Noires réduites en esclavage recevaient automatiquement le statut juridique d’esclave, et ce, indépendamment de la paternité et du statut du père. Cet héritage matrilinéaire du statut juridique était en contradiction directe de la transmission patriarcale de la propriété et des titres qui était en vigueur à cette époque67« Je considère sans importance le travail d’une génitrice, et pour moi un enfant élevé tous les deux ans est plus profitable que la récolte du meilleur des ouvriers. » [Traduction libre.] Wilma A. Dunaway, The African American Family in Slavery and Emancipation, 2003, p. 114  (citant Thomas Jefferson, propriétaire d’une plantation à Blue Ridge, en Virginia).. En outre, l’héritage matrilinéaire du statut créait un incitatif économique pour les propriétaires d’esclaves à maximiser la reproduction des femmes esclaves68En 1662, l’assemblée coloniale de Virginie a décrété que « les enfants nés d’un Anglais et d’une femme noire seront esclaves ou libres, selon la condition de la mère… » En renversant la présomption d’usage de common law, en vertu de laquelle le statut de l’enfant est déterminé par celui du père, cette règle favorisait la reproduction de la force de travail des propriétaires d’esclaves. Puisque les enfants des Femmes-Noires héritaient du statut de leur mère, les esclaves étaient, par la force des choses, engendrés à travers le corps des Femmes-Noires. […] Cheryl I. Harris, « Whiteness as Property », Harvard Law Review, vol. 106, no 8, 1993, p. 1719-20.. De nombreuses stratégies ont ainsi été développées pour garantir et faire croître le nombre des naissances de nouveaux esclaves aux États-Unis. L’une d’elles consistait pour les propriétaires à interdire aux hommes esclaves de se marier à des femmes « de l’extérieur » ou provenant d’autres plantations, de manière à éviter « qu’autant de semences soient répandues sur le sol » et que les enfants de leurs esclaves appartiennent au propriétaire de la mère69Eugene D. Genovese, Roll Jordan Roll: The World the Slaves Made, 1976, p. 473. Voir John W. Blassingame, The Slave Community: Plantation Life in the Antebellum South, 1972, p. 86..

Certains propriétaires pratiquaient également l’élevage d’esclaves70 Dorothy Roberts, Killing the Black Body: Race, Reproduction, and the Meaning of Liberty, p. 27.. […] De plus, les maîtres et les contremaîtres violaient régulièrement les femmes esclaves, et en vertu de l’héritage matrilinéaire du statut, les enfants nés de ce viols étaient juridiquement des esclaves et la propriété du maître71John W. Blassingame, op. cit., p. 76. « En esclavage, c’est comme si vos enfants appartenaient à tout le monde sauf à vous. – Katie Johnson, mère esclave dans les Appalaches. »[Traduction libre.] Ibid., p. 94.. On peut ainsi dire que dans le cadre de l’esclavage, le viol et l’exploitation sexuelle des Femmes-Noires, une forme d’oppression raciale spécifiquement genrée, présentaient un avantage économique. En 1860, dix pour cent de la population esclave était classée comme « mulâtre », ce qui démontre la prévalence des rapports sexuels interraciaux, dont une grande partie se produisait dans le contexte du viol et de la coercition des Femmes-Noires72« Seulement 13 % environ de la population afro-américaine en 1860 avaient des ancêtres blancs, selon les recensements, bien que certains chercheurs ont estimé que cette proportion était de 20 % ou plus […] ». [Traduction libre.] Eugene D. Genovese, op. cit., p. 414 (citant W. E. Burghardt Du Bois, Black Reconstruction in America 1860–1880, 1974, p. 3-4; voir aussi Robert William Fogel et Stanley L. Engerman, Time on the Cross: The Economics of American Slavery, 1995, p. 133.    . Puisque les Femmes-Noires asservies avaient le statut de propriété, le viol d’une esclave n’était pas un crime reconnu par la loi73[…] Pamela D. Bridgewater,  « Ain’t I a Slave: Slavery Reproductive Abuse, and Reparations », UCLA Women’s Law Journal, vol. 14(1), 2005, p. 89, 117..

[…]

Certaines Femmes-Noires réduites en esclavage choisissaient d’éviter les grossesses par abstinence, en prenant des médicaments ou en interrompant la grossesse au moyen d’agents abortifs74Angela Y. Davis, Women, Race and Class, 1981, p. 3; voir aussi Eugene D. Genovese, op. cit., p. 504-505.. […] Par ces méthodes abortives, telles que le thé de racine de coton, les Femmes-Noires ont cherché à reprendre le contrôle de leurs propres fonctions reproductives, sans égard aux volontés de leurs propriétaires.

[…] En reprenant ainsi le contrôle de leur propre fertilité, ainsi que de la vie de leurs enfants, les Femmes-Noires ont fait preuve d’une forme spécifique et genrée de résistance à l’esclavage, avec des résultats variables.

Certaines Femmes-Noires ont même eu recours à l’infanticide pour préserver leurs enfants des préjudices de l’esclavage. L’une d’elles, Margaret Garner, tenta de s’enfuir, puis de tuer ses enfants plutôt que de les condamner à une vie de servitude75Eugene D. Genovese, op. cit., p. 497. […] Margaret fut retrouvée dans une cachette et tenta de tuer ses quatre enfants, mais ne réussit qu’à tuer son avant-dernière fille, Mary. Lors d’un procès fortement médiatisé, l’avocat abolitionniste de Margaret fit valoir que son escapade avec sa famille dans le territoire libre de Cincinnati leur avait conféré le droit à la liberté. Cette ligne argumentaire échoua et, en vertu de la Fugitive Slave Act (la Loi sur les esclaves fugitifs), Margaret, son mari et ses enfants survivants furent restitués à leur propriétaire76Janell Hobson, « Black Herstory Haunted by Margaret Garner », Ms. Magazine Blog, [en ligne], 18 février 2012. [http://msmagazine.com/2012/02/18/black-herstory-haunted-by-margaret-garner/].. […]

Bien que les esclaves fussent juridiquement considérés comme des biens, les personnes réduites en esclavage continuaient à s’aimer et à vouloir faire reconnaître leur amour dans le mariage et l’institution familiale77Eugene D. Genovese, op. cit., p. 497.. […] L’entreprise commerciale esclavagiste exigeait toutefois que les familles d’esclaves, les Femmes-Noires et leurs enfants soient séparé·es à la convenance du maître78« On a estimé à un sur six ou sept le nombre de mariages entre esclaves qui ont été brisés par la force ou la vente. » [Traduction libre.] Herbert Gutman, The Black Family in Slavery and Freedom 1750 – 1925,  1976..

[…]

Le rôle des Femmes-Noires en tant que mères était également limité par la volonté de leur maître. Généralement, les premières années des enfants d’esclaves étaient passées avec leurs parents (s’ils étaient ensemble) et leur mère avait habituellement quatre semaines pour se rétablir de l’accouchement avant de reprendre le labeur normal79John W. Blassingame, op. cit., p. 181; Herbert Gutman, op. cit., p. 203.. Ses enfants étaient alors confiés aux soins d’esclaves plus âgés, qui supervisaient les enfants plus vieux, lesquels s’occupaient des nourrissons et des plus petits80John W. Blassingame, op. cit., p. 181.. Le travail et la reproduction forcés des mères Noires ont mené à la création de systèmes communautaires étendus, dont certains existent encore de nos jours81Les sociologues ont aussi étudié l’expérience de la famille élargie au sein des communautés afro-américaines en raison de l’histoire unique des Africain·es aux États-Unis, qui ont souffert de l’esclavage, de Jim Crow, de la ségrégation en droit et en fait, et de la discrimination en matière de logement, d’emploi et d’éducation. Ces études montrent que la composition familiale complexe du système de la famille élargie centrée sur l’enfant au sein des communautés Noires aux États-Unis a contribué de manière importante à la survie et à l’avancement des enfants malgré les obstacles sociaux et politiques dressés devant eux. A. Holmes, « The Extended Family System in the Black Community: A Child-Centered Model for Adoption Policy », Temple Law Review, vol. 68, 1995, p. 1649, 1660  (les citations internes sont omises).. Cependant, contrairement au système communal qui permettait d’élever et d’éduquer les enfants Noirs nés dans la servitude, le système communautaire d’aujourd’hui cherche à faire pression sur les Femmes-Noires et à les rendre honteuses d’exercer les mêmes droits reproductifs qui leur étaient refusés dans la servitude.

L’eugénisme et le corps des Femmes-Noires

Le terme « eugénisme » a été inventé par le catholique anglais Frances Galton en 188382Steven Selden, Inheriting Shame: The Story of Eugenics and Racism in America, 1999, p. 2.. Après avoir étudié les liens internes de la classe royale britannique, il a conclu que celle-ci formait la classe dirigeante en raison d’une hérédité supérieure83Ibid.. Il a proposé pour la première fois un programme de reproduction sélective dans les années 1860 afin d’augmenter le nombre de personnes ayant un potentiel de leadership « prédestiné ». En raison de l’industrialisation et de ce que la population blanche des États-Unis considérait comme une menace pour la « souche américaine », les idéaux de Galton en matière de procréation sélective se sont rapidement imposés de l’autre côté de l’Atlantique, aux États-Unis84Ibid..

Bien que l’histoire tente de présenter l’Allemagne nazie comme le point de départ et l’aboutissement des expériences eugéniques, la plupart des adeptes de l’eugénisme étaient en fait des pseudo-scientifiques étatsuniens85Voir Facing History and Ourselves Foundation, « Race and Membership in American History: The Eugenics Movement », 4e  éd., 2002. […]. Les nazis se sont notamment inspirés de la loi californienne sur la stérilisation forcée, et modelé sur elle leur propre programme eugéniste86[…] Elizabeth Cohen et John Bonifield, « California’s Dark Legacy of Forced Sterilizations », CNN, [en ligne], 15 mars 2012, [http://www.cnn.com/2012/03/15/health/california-forced-sterilizations];[…] Alexandra Minna Stern, « Sterilized in the Name of Public Health: Race, Immigration, and Reproductive Control in Modern California », American Journal of Public Health, vol. 95, 2005, p. 1128.. De 1909 à 1963, la Californie a autorisé la stérilisation de quelque 20 000 pupilles de l’État (emprisonnées ou placées en institution), sans leur consentement et sans possibilité d’appel87Ibid. Cohen et Bonifield, op. cit.. […] Les partisan·es de l’eugénisme rêvaient d’un avenir où les catégories de personnes « inaptes » et « indésirables » cesseraient de se reproduire et finiraient par disparaître, et où ne resterait que les personnes que les eugénistes estimaient les plus aptes à survivre et à prospérer88Ibid..

Les tenant·es de l’eugénisme aux États-Unis s’inquiétaient de la « dépendance, de la délinquance et du paupérisme » observés dans les centres urbains en expansion rapide au tournant du vingtième siècle. Les eugénistes étatsuniens ont abusivement détourné les découvertes du moine morave Gregor Mendel en matière de sélection végétale en soutenant que les qualités morales, intellectuelles et sociales d’un individu pouvaient être expliquées par l’hérédité89Steven Selden, op.cit.. Bien que les recherches de Mendel aient exclusivement porté sur les plantes et leurs caractéristiques physiques, les eugénistes ont utilisé ses méthodes pour dévier la réflexion sur l’amélioration de la société vers une approche centrée sur la génétique et les traits héréditaires90Ibid..

Charles Darwin, un scientifique anglais, a quant à lui étudié les espèces végétales et animales et est reconnu comme le père de la « sélection naturelle91Dennis  O’Neil, « Darwin  and  Natural  Selection », Palomar  College, [http://www.anthro.palomar.edu/evolve/evolve_2.htm] (consulté le 13 février 2017). ». Sa théorie de l’évolution, publiée en 1859, soutenait que l’organisme le mieux adapté à un environnement donné est celui qui a le plus de chances de survivre et de vivre assez longtemps pour se reproduire et transmettre ses caractéristiques92Ibid.. En revanche, les organismes présentant les caractéristiques les moins bien adaptées à leur environnement sont ceux qui ont le moins de chance de survivre et qui finissent par périr, en même temps que leurs caractéristiques mal adaptées93Ibid.. Darwin croyait qu’il s’agissait du processus naturel de génération des plantes et des animaux, et sa théorie fut rapidement appliquée, là encore de manière abusive, aux êtres humains94Ibid..

En 1864, l’un des compatriotes de Darwin, Herbert Spencer, appliqua à tort les conclusions de Darwin non seulement aux humains, mais à la société moderne. […] Popularisant la doctrine du « darwinisme social », […] Spencer prétendit qu’au sein d’une société capitaliste caractérisée par le laissez-faire, le sort des riches, et inversement, celui des pauvres, était naturel95« Herbert Spencer », PBS, [en ligne], [http://www.pbs.org/wgbh/amex/carnegie/peopleevents/pande03.html], (consulté le 13 février 2017). https://www.pbs.org/wgbh/americanexperience/features/carnegie-herbert-spencer/.

[…]

La théorie du darwinisme social s’est bien sûr avérée très populaire parmi l’élite de la société étatsunienne, puisqu’elle accréditait l’idée que leur condition privilégiée était méritée et naturelle. Les chefs religieux et les juges de la Cour suprême se sont rapportés à cette école de pensée pour justifier les inégalités individuelles, de classe et raciales au sein de la société américaine. En 1885, l’influent révérend Josiah Strong écrivait que le « formidable progrès » des États-Unis était le résultat de la sélection naturelle et que « les hommes les plus énergiques, les plus impétueux et les plus courageux de toutes les parties de l’Europe y ont émigré… et y ont le mieux prospéré96Traduction libre. Josiah Strong, Our Country: Its Possible Future and Its Present Crisis, 1885, p. 165. ». Il poursuivait en prédisant que « cette puissante race se déplacera vers le Mexique, puis vers l’Amérique centrale et l’Amérique du Sud, vers les îles de l’océan, puis vers l’Afrique et au-delà. Et peut-on douter que le résultat de cette compétition entre les races sera la survie du plus apte97Traduction libre. Ibid.? » Nombreux sont ceux, y compris à la Cour suprême […], qui partageaient la foi du révérend Strong en la suprématie naturelle de la race anglo-saxonne98Voir Plessy c. Ferguson, 1896, p. 163 U.S 537, 551. […].

[…]

La Cour suprême et d’autres partisans du darwinisme social ont décidé qu’il existait une hiérarchie sociale naturelle et que la loi n’était pas censée bouleverser cet ordre, mais seulement le renforcer. La loi a toutefois été utilisée pour faire respecter cette hiérarchie, par l’instauration du système de ségrégation formelle connu sous le nom de lois de Jim Crow99Dorothy Roberts, Killing the Black Body: Race, Reproduction, and the Meaning of Liberty, 1997, p. 104-149 at 7 […].

Ces lois imposaient des restrictions à caractère racial dans presque tous les aspects de la vie aux États-Unis. Il était notamment interdit aux Étatsuniens blancs et Noirs de manger, de voyager et de s’asseoir ensemble en public. […]

[…] Les Femmes-Noires, en tant que reproductrices de la race Noire, ont été particulièrement visées par les projets de « progrès social » ancrés dans l’eugénisme négatif. L’objectif d’améliorer la société en favorisant la reproduction des « aptes » qui, incidemment, se trouvaient être riches et blancs, ne pouvait être réalisé qu’en empêchant en même temps les moins aptes de se reproduire, les Femmes-Noires au premier chef.

La stérilisation

Le mouvement eugéniste battait ainsi son plein au début du vingtième siècle, en cherchant à limiter la reproduction des « indésirables100Ibid. ». La stérilisation était aussi employée comme mesure punitive et paternaliste, en particulier contre les personnes condamnées pour crimes sexuels et celles considérées comme un « fardeau » financier pour l’État101Voir, par exemple, Nancy Ordover, American Eugenics: Race, Queer Anatomy, and the Science of Nationalism, 2003, p. 80, 210. […]. Les hommes Noirs accusés d’avoir violé des femmes blanches risquaient la castration à l’époque de la servitude, durant l’ère Jim Crow, puis dans le système carcéral par la suite102Judith Kegan Gardner, Masculinity Studies and Feminist Theory: New Directions, 2013, p. 314-315.. À partir de 1907, des lois sur la stérilisation contrainte furent promulguées dans de nombreux États, prévoyant la stérilisation de toute personne considérée comme un fardeau pour la société103Voir Dorothy Roberts, Killing the Black Body: Race, Reproduction, and the Meaning of Liberty, p. 306-307. […].

En 1927, en date de l’arrêt Buck c. Bell de la Cour suprême des États-Unis, trente États mettaient en vigueur des lois sur la stérilisation contrainte. Dans cette affaire, le tribunal a statué que Carrie Buck, une femme « faible d’esprit104« Le fait de décrire une jeune femme comme faible d’esprit était souvent un prétexte pour punir son immoralité sexuelle. Beaucoup de femmes ont été envoyées dans des institutions pour y être stérilisées simplement parce qu’elles avaient des mœurs légères ou étaient tombées enceintes en dehors du mariage. » [Traduction libre.] Dorothy Roberts, op. cit., p. 70. » ne pouvait prétendre à une protection égale ou a un recours constitutionnel régulier contre sa stérilisation forcée105Ibid. p. 69.. Pendant la dépression économique des années 1930, les partisan·es de l’eugénisme négatif ont vite détourné leur attention des blancs pauvres et des immigrant·es indésirables pour la porter sur les personnes Noires, globalement considérées comme un fardeau pour l’assistance publique106Ibid. p. 70.. Tandis que l’eugénisme positif se concentrait sur la croissance du taux de natalité des personnes présentant des qualités souhaitables (blanches, de classe supérieure), les tenant·es de l’eugénisme négatif préconisaient la réduction du taux de natalité des personnes qu’iels jugeaient « inaptes » à la reproduction107Nancy Ordover, op. cit., p. 140.. Bien que les lois sur la stérilisation fussent graduellement abrogées dans tout le pays, en grande partie sous l’effet de la stigmatisation liée à l’eugénisme dans la foulée de l’holocauste perpétré par les nazis, la stérilisation à grande échelle des Femmes-Noires s’est poursuivie jusqu’à la fin des années 1970108Ibid. p. 130-131.. 

La stérilisation des Femmes-Noires était la plupart du temps pratiquée par des médecins payés par le gouvernement pour leur fournir des soins médicaux109Dans Relf c.Weinberger […]. Dorothy E. Roberts, « Punishing Drug Addicts Who Have Babies: Women of Color, Equality, and the Right of Privacy », Harvard Law Review, vol. 104, no 7, 1991, p. 1419, 1443.. Les hôpitaux universitaires pratiquaient également des hystérectomies non nécessaires à des fins de formation, et il était courant de stériliser les Femmes-Noires du Sud sans leur consentement110Voir Dorothy Roberts, op.cit., p. 90 (notant que les médecins étaient incités à pratiquer des hystérectomies totales, pour lesquelles iels recevaient 800 $, plutôt que seulement 250 $ pour une ligature des trompes, ces deux procédures constituant cependant des formes de stérilisation).. Ces procédures en vinrent à être connues sous le nom d’« appendicectomies du Mississippi », et Fannie Lou Hamer fit remarquer que 60 % des Femmes-Noires du conté de Sunflower avaient été stérilisées après un accouchement111Ibid. p.  91 (où la Boston City Hospital est nommée comme une institution dont il est avéré qu’elle pratiquait des hystérectomies excessives et non médicalement nécessaires sur des patientes Noires)..

[…] Comme les 100 000 à 150 000 autres pauvres personnes qui ont été stérilisées de force dans le cadre de ce programme financé par le gouvernement fédéral112Ibid.. […]

La coercition et le contrôle continu des fonctions reproductives des Femmes-Noires alimentent le mythe de l’avortement en tant que génocide des Noir·es. […] Ainsi, des hommes et des organisations pro-Noir·es interviennent pour supprimer l’option de l’avortement, une option dont ils redoutent que les Femmes-Noires – se laissant dangereusement berner – puissent la « choisir » au détriment de la race Noire. 

Le mythe de l’avortement en tant que génocide des Noir·es à l’époque moderne

L’histoire des États-Unis regorge d’exemples du contrôle de la reproduction exercé sur les Femmes-Noires. […] Dans les dernières années, certains candidats à la présidence ont attaqué l’accès des Femmes-Noires à l’avortement en tenant des discours anti-choix singulièrement centrés sur la race. En 2011, Herman Cain, un Noir du Sud candidat à l’investiture du Parti républicain, a accusé la fondatrice de Planned Parenthood, Margaret Sanger, d’avoir implanté ces centres (qui offrent des services d’interruption de grossesse) dans des communautés majoritairement Noires de manière à faciliter le meurtre de bébés Noirs avant même qu’ils ne viennent au monde113Willoughby Mariano, « Cain Claims Planned Parenthood Founded for “Planned Genocide” », Politifact Ga. , [en ligne], 8 avril 2011), [https://www.politifact.com/factchecks/2011/apr/08/herman-cain/cain-claims-planned-parenthood-founded-planned-gen/].. Lorsqu’on lui a donné l’occasion de préciser sa pensée, M. Cain a déclaré : « Il ne s’agit pas de parentalité planifiée (planned parenthood). Non, c’est bien d’un génocide planifié dont il est question. Vous pouvez me citer là-dessus114Traduction libre. Fred Lucas, « Herman Cain: ‘It’s Not Planned Parenthood—No, It’s Planned Genocide’ », CNSNews,  [en ligne], 15 mars 2011, [http://www.cnsnews.com/news/article/herman-cain-it-s-not-planned-parenthood-no-it-s-planned-genocide].. »

Ben Carson, candidat républicain Noir à l’élection présidentielle de 2016, a suivi la même ligne en affirmant que « […] la première cause de mortalité chez les personnes noires est l’avortement115Traduction libre. « Ben Carson: Abortions Are No.1 Cause of Death for Black People », The Grio, [en ligne], 14 août 2015, [http://www.thegrio.com/2015/08/14/ben-carson-abortions-planned-parenthood]. https://www.motherjones.com/politics/2015/08/ben-carson-abortions-are-main-cause-black-deaths/ ». Les responsables de sa campagne ont plus tard dû préciser que le Center for Disease Control (CDC, le Centre pour le contrôle et la prévention des maladies aux États-Unis) ne confère pas le statut de personne aux fœtus et n’inclut donc pas l’avortement parmi les causes officielles de mortalité. Par ailleurs, le CDC cite les maladies cardiaques comme la principale cause de décès chez les Afro-Américains116« Heart Disease Facts », Center for Disease Control and Prevention  [en ligne], [http://www.cdc.gov/heartdisease/facts.htm] (dernière mise à jour le 10 août 2015). https://www.cdc.gov/heart-disease/data-research/facts-stats/index.html.

Cain et Carson affirment tous deux, à tort, que la majorité des cliniques de Planned Parenthood sont situées dans des quartiers Noirs. Carson croit que « […] l’une des raisons pour lesquelles on retrouve la plupart de leurs cliniques dans des quartiers Noirs est qu’elles offrent des moyens de contrôler cette population117Traduction libre. Amber  Ferguson, « Ben Carson  Says Abortions Are  Main Cause  of Death for  Black People », Huffington Post, [en ligne], 14 août 2015. ». Or, l’Institut Guttmacher constate que sur l’ensemble des fournisseurs de services d’interruption volontaire de grossesse, moins d’un sur dix se trouve dans des zones postales dont la population est majoritairement Noire118Glenn Kessler, « Margaret Sanger, Planned Parenthood and Black Abortions: Ben Carson’s False Claim », Washington Post, [en ligne], 18 août 2015.. En fait, plus de soixante pour cent de ces fournisseurs de services se situent plutôt dans des zones postales dont la population est majoritairement blanche119Ibid..

Les arguments de Margaret Sanger en faveur de l’accès à la contraception sont souvent imputés à ses idéaux eugénistes et assimilés au racisme anti-Noir120En ce qui concerne les accusations selon lesquelles Margaret Sanger essayait d’exterminer la race Noire, voir Tanya L. Green, « The Negro Project: Margaret Sanger’s Eugenic Plan for Black America », BlackGenocide, [en ligne], [http://www.blackgenocide.org/negro.html] (consulté le 13 février 2017).. La plupart des activistes anti-choix Noir·es concentrent leur attention sur le Negro Project de Sanger et son intérêt particulier pour la santé reproductive des Femmes-Noires121Voir par exemple, ibid. (où l’autrice affirme que le Negro Project de Sanger s’apparente à un génocide contre la population Noire).. Ce projet a en fait été créé avec la contribution et le soutien de nombreux leaders Noirs de premier plan, dont W.E.B. DuBois, Mary McLeod Bethune et le révérend Adam Clayton Powell Jr.122Newsletter #28 (automne 2001) : « Birth Control or Race Control? Sanger and the Negro Project », Margaret Sanger Papers Project, N.Y.U., [en ligne], [https://sanger.hosting.nyu.edu/articles/bc_or_race_control/] (consulté le 13 février 2017). Un passage souvent cité est sciemment raccourci pour présenter les motifs de Sanger comme racistes : « […] nous voulons exterminer la population noire123« The Negro Project: Poor, Black, & Undesirable », Too Many Aborted, [http://www.toomanyaborted.com/thenegroproject] (consulté le 13 février 2017). ». La citation complète de Sanger va pourtant comme suit :              

« Le travail du pasteur est également important, et il devrait être formé, peut-être par la Fédération, à nos idéaux et à l’objectif que nous poursuivons. Nous ne voulons pas qu’il soit dit que nous voulons exterminer la race Noire, et le pasteur est celui qui pourra corriger cette impression si elle se présente à l’esprit de l’un de leurs membres les plus réfractaires124Traduction libre. Lori Robertson, « Cain’s False Attack on Planned Parenthood », FactCheck, [en ligne], 1er novembre2011, [http://www.factcheck.org/2011/11/cains-false-attack-on-planned-parenthood].. »

Bien que cette formulation paternaliste évoque les membres « réfractaires » de la race Noire qui pourraient se faire de fausses idées, elle est loin de constituer une diatribe  génocidaire en faveur de l’élimination de la race Noire. Le Negro Project avait en fait le soutien de chefs religieux Noirs qui estimaient que la régulation des naissances et la planification familiale étaient des facteurs clés d’une mobilité économique ascendante125Alveda C. King, « An Analysis of the PPH MLK Brochure », Priests for Life, [en ligne], [https://www.priestsforlife.org/king-planned-parenthood.pdf]  (consulté le 13 février 2017).. De plus, le fait de discréditer Planned Parenthood dans son ensemble est dommageable pour la santé des Femmes-Noires, qui ont généralement plus de difficultés que les femmes blanches à accéder à des soins de santé préventifs126« Les femmes noires vivent en moyenne quatre ans de moins que les femmes blanches. Les femmes noires (aux États-Unis) ont une espérance de vie plus courte que les femmes de la Barbade, du Panama, de la Bosnie et des Bahamas. Les taux de mortalité infantile sont deux fois plus élevés chez les personnes noires. » [Traduction libre.] Vernella R. Randall, « Inequality in Health Care is Killing African Americans », Human Rights Magazine, vol. 39,  American Bar Association.. Environ 85 % des soins offerts par Planned Parenthood sont justement des soins de santé à caractère préventif, tels que le dépistage des ITSS et du cancer127En 2013, « 97 % des services offerts par Planned Parenthood sont d’autres soins de santé primaires et reproductifs [par rapport aux avortements] ». Lauren Carroll, « 97% of Planned Parenthood’s Work Is Mammograms, Preventive care, O’Malley Says », PolitiFact, [en ligne], 3 août 2015, [https://www.politifact.com/factchecks/2015/aug/03/martin-omalley/97-planned-parenthoods-work-mammograms-preventive-/].. Les activistes anti-choix tentent de dépeindre Planned Parenthood dans son ensemble comme étant anti-Noir·es en raison des déclarations et des idées eugénistes surannés de sa fondatrice, mais ne tiennent pas compte des services cruciaux qu’offrent les cliniques de Planned Parenthood aux Femmes-Noires, en plus de l’accès à l’avortement128Imani Gandy, « How False Narratives of Margaret Sanger are Being Use to Shame Black Women », Rewire, [en ligne], 20 août 2015, [http://www.rewire.news/article/2015/08/20/false-narratives-margaret-sanger-used-shame-black-women]..

Martin Luther King Jr. lui-même soutenait Planned Parenthood et s’est vu décerner le Prix Margaret Sanger de la Planned Parenthood Federation of America (PPFA) dans sa première année d’existence. Dans sa réponse, présentée par son épouse, Coretta Scott King, la planification familiale est dépeinte comme une solution à l’un des nombreux malheurs qui affligent la famille Noire. Elle déclare :                  

« Pour la personne Noire, donc, les guides de planification familiale avisés constituent un élément extrêmement important dans sa quête de sécurité et d’une vie décente. Des obstacles colossaux séparent encore les personnes Noires d’une existence normale. Pourtant, l’un des éléments qui leur permettraient de stabiliser leur vie serait la compréhension des moyens de fonder une famille dont la taille serait adaptée à l’environnement de la communauté et aux revenus qu’elle peut générer, et l’accès rapide à ces moyens129Traduction libre. Martin Luther King Jr., « Family Planning – A Special and Urgent Concern, Response on Receiving Award at the Fiftieth Anniversary Banquet of Planned Parenthood »,The King Center, [en ligne], 5 mai 1966, accessible à  [http://www.thekingcenter.org/archive/document/family-planning-special-and-urgent-concern#] (consulté le 17 janvier 2017).https://civilrightsadvocacy.net/2014/01/20/mlk-jr-and-his-family-planning-a-special-and-urgent-concern-speech/. »

La réponse des Kings écarte toute théorie voulant que la race Noire ait eu l’intention de se « reproduire » pour accéder au pouvoir politique en devenant la race majoritaire dans les villes des États-Unis130Voir supra notes 56 et 57 et le texte correspondant, concernant l’analyse d’une section locale de la NAACP en Floride.. Ils poursuivent en précisant que les militant·es des droits civiques « n’accueillent favorablement aucune solution qui utilise la reproduction comme une arme131Traduction libre. King Jr., op. cit., p. 128. ». Bien que les Kings utilisent ici des pronoms masculins pour parler des personnes Noires de manière générale, leur affirmation selon laquelle la parentalité devrait être planifiée et intentionnelle tend à les aligner, au minimum, sur les groupes favorables à la contraception. Ils se définissent également comme des « alliés naturels de quiconque cherche à intégrer dans notre société toute forme de planification servant à enrichir la vie et à garantir le droit d’exister dans la liberté et la dignité132Traduction libre. Ibid. ». Une partisane du choix pourrait très bien soutenir que le droit des Femmes-Noires à choisir l’avortement correspond parfaitement à l’esprit de cet appel des Kings en faveur du « droit d’exister dans la liberté et la dignité ». Alveda King, nièce du Dr Martin Luther King Jr., défend pourtant des positions diamétralement opposées sur le rôle de l’avortement dans la vie des Femmes-Noires. Elle estime que son activisme anti-choix procède d’une évolution naturelle du mouvement des droits civiques, en se concentrant sur le droit à la vie de chaque fœtus133Voir Emily Derois, « Dr. Martin Luther King’s Niece Opposes Abortion : “Civil Rights and Human Rights Go Together” », LifeNews, [en ligne], 6 juin 2016, [https://www.lifenews.com/2016/06/06/dr-martin-luther-kings-niece-opposes-abortion-civil-rights-and-human-rights-go-together/] « Je sais au fond de mon cœur que si mon oncle Martin était vivant aujourd’hui, il se joindrait à moi dans la plus grande lutte pour les droits civiques de cette génération, soit la reconnaissance du droit fondamental à la vie de l’enfant à naître. » [Traduction libre.]. Alveda King est la directrice de la sensibilisation des Afro-Américains au sein de l’organisation anti-choix Priests for Life134Alveda C. King, « An Urgent Election Message from Evangelist Alveda King, Director of Civil Rights for the Unborn for Priests for Life », PriestsforLife, [en ligne], 26 octobre 2016), [http://www.priestsforlife.org/africanamerican/blog/index.php/2016/10].. Elle appuie également la campagne « Silent No More », qui offre une tribune aux femmes qui regrettent d’avoir avorté135Alveda King, « Dr. Alveda King’s 2012 March for Life Testimony », Silent No More Awareness, [en ligne], [http://www.silentnomoreawareness.org/testimonies/testimony.aspx?ID=2473]  (consulté le 13 février 2017). Alveda King a déclaré que son premier avortement avait été pratiqué par un médecin à son insu et que cela l’avait traumatisée, ce qui est tout à fait compréhensible136Ibid.. Elle a qualifié son deuxième avortement de « volontaire », précisant toutefois qu’elle avait pris cette décision « sous la pression et les menaces de violence » exercées par le père du futur bébé137Ibid..

Alveda King impute la responsabilité de son choix à la légalisation de l’accès à l’avortement, déclarant que « […] c’est la facilité et la commodité offertes par Roe c. Wade qui m’ont permis de prendre trop facilement la décision fatidique et fatale d’avorter notre enfant138Traduction libre. Ibid. ». Or, la « facilité » avec laquelle Alveda King a pu avorter son fœtus a été de plus en plus compromise par la multiplication des mesures législatives qui retardent l’accès aux services d’avortement ainsi que par l’augmentation des frais à payer pour la procédure139 « The Hyde Amendment? », National Network of Abortion Funds, [En ligne], [https://abortionfunds.org/hyde] (consulté le 17 janvier  2017). https://abortionfunds.org/understanding-the-hyde-amendment-an-faq/ . […] Compte tenu du fait que plus d’un quart des Femmes-Noires aux États-Unis vivent sous le seuil de la pauvreté et que le coût moyen d’un avortement est de 451 $, de nombreuses Femmes-Noires n’ont manifestement pas la même « facilité et commodité » dont Alveda King a profité lorsqu’elle a « choisi » son avortement140Alexandra Cawthorne, « The Straight Facts on Women in Poverty », Center for American Progress, [en ligne], octobre 2008, [http://www.americanprogress.org/wp-content/uploads/issues/2008/10/pdf/women_poverty.pdf], https://www.americanprogress.org/article/the-straight-facts-on-women-in-poverty/. Guttmacher Institute, « Cost of Abortion Services in the United States, 2009 », [http://www.guttmacher.org/in-the-know/abortion-costs.html];  Rachel  K.  Jones  et  Katherine Kooistra, « Abortion Incidence and Access to Services in the United States, 2008 », Guttmacher Institute, [en ligne],  mars 2011, accessible à [https://www.guttmacher.org/sites/default/files/article_files/4304111.pdf]; voir aussi Monica Simpson, « For the Love of Black Women, It’s Time to End the Hyde Amendment », BlackGirlDangerous, [en ligne], 30 septembre 2016, [http://www.blackgirldangerous.org/2016/09/hyde-amendment].  […].

Alveda King assimile aussi à tort l’avortement à l’esclavage, comme l’avait fait le révérend Jesse Jackson dans les années 1970. Elle déclare que « chaque bébé avorté est comme un esclave dans le ventre de sa mère. C’est sa mère qui décide de son sort141Alveda C. King, op. cit., 2016.. » Bien que dans sa déclaration, elle ne précise pas la race des femmes visées par ses propos anti-choix, elle semble ignorer l’histoire réelle de la maternité durant l’esclavage. La maternité et l’esclavage se sont violemment entrechoqués dans la réalité des Femmes-Noires, et les choix qu’elles ont dû faire à l’époque, comme aujourd’hui, reflètent la misogynoire qui les concerne et les vise de manière spécifique.

La propagande de l’avortement en tant que génocide des Noir·es.

Cette même misogynoire a été placardée dans toutes les villes des États-Unis dans le cadre d’une campagne publicitaire menée par Life Always, un groupe anti-choix basé au Texas. La campagne a initialement été lancée en 2011 et le panneau a été installé en février de la même année, durant le Mois de l’histoire des Noir·es, afin de « stimuler la conversation142Juliet Papa, « Controversial Anti-Abortion Billboard Causes Stir in SoHo », CBS N.Y., [en ligne], 23 février 2011, [http://newyork.cbslocal.com/2011/02/23/controversial-anti-abortion-billboard-goes-up-in-soho/] ». Les Femmes-Noires de plusieurs États, dont New York, la Californie et le Missouri, faisaient ainsi l’objet de panneaux d’affichage les ciblant de manière spécifique, ainsi que leur droit à choisir l’avortement. Ces panneaux présentaient d’adorables enfants Noir·es entouré·es d’une rhétorique menaçante conçue pour faire honte aux Femmes-Noires et les dissuader de recourir à l’avortement. Sur l’un des panneaux affichés à New York, on pouvait lire le slogan « L’endroit le plus dangereux pour un Afro-Américain est l’utérus » accompagné d’un lien vers le site Web de Life Aways (thatsabortion.com)143Ibid. Liz Robbins, « Billboard Opposing Abortion Stirs Debate », City Room, [en ligne], 3 février 2011, [http://www.cityroom.blogs.nytimes.com/2011/02/23/billboard-opposing-abortion-stirs-debate/]..

De toute évidence, avec son message empreint de misogynoire, ce panneau d’affichage cible les Femmes-Noires, en plus de tendre à faire passer la question de l’avortement devant les nombreux autres maux qui affligent les personnes Noires, en particulier les enfants144Tout comme les Femmes-Noires vis-à-vis des femmes blanches, les enfants Noir·es ont un différent rapport à l’enfance que les enfants blanc·hes. Cela est particulièrement vrai pour les Filles-Noires, mais ça l’est pour l’ensemble des enfants Noir·es, indépendamment de leur genre. Voir Stacey Patton, « In America Black Children Don’t Get to Be Children » (Opinion), Washington Post, [en ligne], 26 novembre 2014, [https://www.washingtonpost.com/opinions/in-america-black-children-dont-get-to-be-children/2014/11/26/a9e24756-74ee-11e4-a755-e32227229e7b_story.html] […];  voir aussi Taylor Gordon, « 10 Ways Racism Robs Black Children of Their Childhood », Atlanta Blackstar, [en ligne], 14 novembre2014, [http://www.atlantablackstar.com/2014/11/14/10-ways-racism-robs-black-children-of-their-childhood/]. […]. Plutôt que de parler des taux de brutalité policière – une violence illustrée notamment par les politiques « Stop-and-Frisk » (contrôle et fouille) pratiquées par le service de police de New York, qui touchent la communauté Noire de manière disproportionnée145« En 2015, des New-Yorkais ont été interpelés par la police à 22 939 reprises… 12 223 d’entre eux étaient Noirs (54 pour cent). » [Traduction libre.] « Stop and Frisk Data », New York Civil Liberties Union, [en ligne], [http://www.nyclu.org/content/stop-and-frisk-data] (consulté le 13 février 2017). – ou des déterminants sociaux de la santé146« Les déterminants sociaux de la santé sont les conditions de l’environnement dans lequel les personnes naissent, vivent, apprennent, travaillent, pratiquent leur foi et vieillissent qui ont une incidence sur tout un éventail de résultats et de risques en matière de santé, de fonctionnement et de qualité de vie. » [Traduction libre.] « Social Determinants of Health », Healthy People, [en ligne], [https://odphp.health.gov/healthypeople/priority-areas/social-determinants-health] (consulté le 7 février 2017)., ou de l’incarcération de masse, ou des taux alarmants de nouvelles infections au VIH parmi les Femmes-Noires, Life Always choisit de situer carrément la lutte pour la survie des personnes noires dans l’utérus des Femmes-Noires147Selon le CDC, les femmes hétérosexuelles Noires présentent un taux d’infection au VIH plus élevé que les hommes hétérosexuels Noirs, et le taux le plus élevé parmi les femmes, toutes races confondues, derrière les hommes Noirs, latinos, et blancs qui ont des rapports sexuels avec d’autres hommes. Voir « HIV Among African Americans », Center for Disease Control & Prevention, [en ligne], [http://www.cdc.gov/hiv/group/racialethnic/africanamericans/index.html] (dernière mise à jour le 26 septembre 2016).. Les commanditaires de cette campagne d’affichage incluent aussi à tort le nombre de grossesses interrompues par des Femmes-Noires dans leurs statistiques de mortalité des personnes Noires aux États-Unis, contrairement à ce qu’indiquent les données du gouvernement fédéral, du CDC et de l’Institut Guttmacher148Voir Gerard M. Nadal, « Black Genocide and Planned Parenthood », Coming Home, [en ligne], 1er février 2010,  [https://www.gerardnadal.com/2010/02/01/black-genocide-and-planned-parenthood] (reproduisant un graphique présenté initialement par le révérend Childress de L.E.A.R.N., la plus grande organisation anti-choix Noire aux États-Unis).. Ces statistiques gonflées artificiellement et ces panneaux d’affichage chargés de pathos exercent une pression indue sur les Femmes-Noires qui font le choix d’interrompre leur grossesse.

D’autres panneaux d’affichage reprennent des slogans Noirs valorisants, comme « Black is Beautiful », en les superposant à des images d’enfants Noir·es et en dirigeant le public vers l’organisation anti-choix Noire toomanyaborted.com149« Bay Area Anti-Abortion Billboards Draw Cries of Racism », CBS San Francisco, [en ligne], 22 juin 2011, [https://www.cbsnews.com/sanfrancisco/news/bay-area-anti-abortion-billboards-draw-cries-of-racism/]. Voir « California: The Abortion Capital of the Nation », TooManyAborted.com, [En ligne], [http://www.toomanyaborted.com/california/] (consulté le 13 février 2017).. Ce panneau a été installé à Oakland, en Californie, le berceau du révolutionnaire Black Panther Party, qui avait utilisé le slogan « Black is Beautiful » tout au long des années 1960. Un autre panneau à Chicago utilisait une image rouge, blanche et bleue du président Barack Obama en énonçant que « toutes les 21 minutes, notre prochain leader potentiel est avorté150Lisa Balde et Charlie Wojciechowski, « Anti-Abortion Billboards Arrive  in  Chicago », NBC Chicago, [en ligne], 29 mars 2011, [http://www.nbcchicago.com/news/local/Anti-Abortion-Billboards-Headed-for-South-Side-118790299.html]. Voir Steven Ertelt, « Pro-Life Billboard in Chicago Uses Obama Image to Hit Abortion », LifeNews, [en ligne], 28 mars 2011, [https://www.lifenews.com/2011/03/28/pro-life-billboard-in-chicago-uses-obama-image-to-hit-abortion/]. ». Malgré la position pro-choix du président Obama en matière d’accès à l’avortement, ce panneau évoque la rhétorique similaire (« un révolutionnaire de plus ») utilisée par les premiers dirigeants du Black Panther Party, et celle du « futur leader » proférée par les leaders de la Nation of Islam. Là encore, le potentiel du fœtus Noir passe avant l’intégrité du droit de la Femme-Noire à prendre ses propres décisions en matière de santé.

De nombreux panneaux d’affichage financés par Life Always à Atlanta et au Missouri déclarent que « les enfants Noirs sont une espèce en voie de disparition151Steve Osunsami, « Abortion Billboards: Strong Words Spark Debates in Atlanta’s Black Neighborhoods », ABC News, [en ligne], 22 février 2010, [http://www.abcnews.go.com/WN/billboard-controversy-signs-atlanta-black-children0endangeered-species/story?id=9888149]. « Black Children Are an Endangered Species », TooManyAborted, [en ligne], 4 février 2010, [http://www.toomanyaborted.com/black-children-are-an-endangered-species]. ». […]

À Memphis, au Tennessee, un panneau dénote une variation dans la stratégie de Life Always visant à faire honte aux Femmes-Noires en se concentrant plutôt sur les pères des fœtus. L’un de ces panneaux représente un bébé Noir tout sourire, la présentant comme la « princesse de son père », et explique au public que son cœur a commencé à battre au dix-huitième jour152Miriam Zoila-Pérez, « New Anti-Abortion Billboards Give Reproductive Justice Activists Déjà Vu, Colorlines, [en ligne], 17 juin 2015, [https://colorlines.com/article/new-anti-abortion-billboards-give-reproductive-justice-activists-deja-vu/].  Voir « Fetal   Heartbeat:  The Development of Baby’s Circulatory System », What To Expect, [en ligne], [http://www.whattoexpect.com/pregnancy/fetal-heartbeat] (dernière mise à jour le 16 avril 2015).. Par cet appel au père (présumé Noir), Life Always ajoute une pression de plus sur les Femmes-Noires qui pourraient envisager de recourir à l’avortement, en mettant ici l’accent sur le droit du père potentiel. Life Always instrumentalise des notions patriarcales pour renforcer l’idée qu’en tant qu’homme, le père potentiel a le devoir de protéger son enfant à naître, même si cela doit se faire au détriment de l’autonomie corporelle d’une Femme-Noire. Un membre du public, après avoir vu ce panneau d’affichage, a déclaré : « Utiliser des hommes comme moi pour faciliter l’effacement des femmes comme ma femme, et d’autres comme elles, de la conversation sur leur propre corps n’est pas seulement de la propagande, c’est pitoyable et répugnant153Joseph Fatzick, « New Pro-Life Billboard is Apparently ‘Racist’ », The Daily Caller, [En ligne], 8 juin 2015, [http://dailycaller.com/2015/06/08/new-pro-life-billboard-is-apparently-racist].. »

Cette réorientation des publicités pour cibler explicitement les hommes Noirs s’inscrit en fait dans une longue histoire de négation de l’autonomie des Femmes-Noires en matière de procréation. Le Black Panther Party, la Nation of Islam et certains leaders du mouvement des droits civiques, comme Jesse Jackson, ont encouragé les femmes à se reproduire au profit des mouvements de libération des Noir·es et au nom de la race. […] Or, comme l’a écrit Angela Davis : « Lorsque les femmes Noires et latines ont recours à l’avortement en si grand nombre, leurs récits portent moins sur leur désir d’être libérées de leur grossesse que sur les conditions sociales misérables qui les dissuadent de mettre de nouvelles vies au monde154Traduction libre. Angela Y. Davis, op. cit., p. 504-505.. »

De récentes démarches législatives ont ciblé les Femmes-Noires et leur droit de « choisir » l’avortement en détournant des éléments de langage forgés par les Femmes-Noires elles-mêmes. Le mouvement et le slogan « Black Lives Matter » (les vies des Noir·es comptent) ont été créés en réponse au meurtre de Trayvon Martin en 2012. Trois femmes noires Alicia Garza, Opal Tometi et Patrisse Cullors, ont lancé ce mouvement pour exiger le respect de toutes les vies Noires, y compris celles des Femmes-Noires, et de leur capacité à déterminer leur propre avenir155« A HerStory of the #BlackLivesMatter Movement », BlackLivesMatter, [en ligne], [http://www.blacklivesmatter.com/herstory] (consulté le 15 février 2017).. Ce slogan a donc été récupéré par les activistes anti-choix pour plaider en faveur de la suppression des avortements au motif que toutes les vies noires comptent, y compris celles des enfants à naître. En janvier 2016, les Républicains du Missouri ont commencé à promouvoir un projet de loi anti-choix à la Chambre des représentants du Missouri, auquel ils ont donné le nom de « All Lives Matter156Teddy Wilson, « Missouri Republicans to Push Anti-Choice ‘All Lives Matter’ Bill », Rewire, [en ligne], 11 janvier 2016, [http://rhrealitycheck.org/article/2016/01/11/missouri-republicans-push-anti-choice-lives-matter-bill]. ». Ce projet de loi, parrainé par le représentant Mike Moon, modifierait la loi de l’État pour y introduire le statut de personne des ovules fécondés au moment de la conception157Ibid. « Ce projet de loi sur le statut de personne réduirait dans les faits à néant l’accès à l’avortement, et serait vraisemblablement jugé inconstitutionnel. » Sophia Tesfaye, « Missouri GOP Rep Introduces “All Lives Matters” Bill to Grant Fetuses Personhood », Salon, [en ligne], 13 janvier 2016, [http://www.salon.com/2016/01/13/missouri_gop_rep_introduces_all_lives_matters_bill_to_grant_fetuses_personhood]..

Le représentant Sean Duffy, un Républicain de l’Iowa, s’est quant à lui adressé en ces termes au Caucus Noir du Congrès en janvier 2016 :                                           

« Il y a un ciblage qui se produit actuellement dans de nombreux espaces et de nombreux endroits, et ça se passe dans l’industrie de l’avortement. Mes amis, les membres libéraux du Caucus Noir du congrès, parlent de se battre pour les démunis, les désespérés et les opprimés. Mais il n’y a personne de plus désespéré et de plus sans voix qu’un bébé à naître, et leur silence est assourdissant. Je ne les entends pas. Où prennent-ils la défense de leurs communautés, où plaident-ils [pour ces enfants à naître], où se battent-ils pour leur droit à la vie158Traduction libre. Monica Simpson, « For Black Women’s Lives to Matter, Legislators Must Halt Attacks on Our Bodily Autonomy », Rewire, [en ligne], 14 janvier 2016, [http://rhrealitycheck.org/article/2016/01/14/black-womens-lives-matter-legislators-must-halt-attacks-bodily-autonomy] (citant le représentant Sean Duffy).? »

Le représentant Moon demande au Caucus Noir du Congrès de lutter pour limiter l’accès à l’avortement au détriment des choix des Femmes-Noires en matière de procréation. Là encore, l’intérêt pour la vie de l’enfant Noir·e potentiel·le, quelles que soient les conditions ou les dimensions discriminatoires de cette vie future, surpasse le droit des femmes à choisir la maternité plutôt que de se la voir imposer.

La réponse des Femmes-Noires à ce mythe

Les Femmes-Noires ont toujours été des ambassadrices du choix en matière de procréation et ont toujours travaillé inlassablement pour créer un monde meilleur pour celles qui choisissent de donner la vie et de garder leur bébé. […] Une historienne féministe américaine a écrit, au sujet des Femmes-Noires réduites en esclavage, que pour « celles qui sont confrontées à l’oppression par le corps, le corps lui-même devient un site important non seulement de souffrance… mais aussi de résistance159Traduction libre. Stephanie M. H. Camp, Closer to Freedom: Enslaved Women and Everyday Resistance in the Plantation South, 2004, p. 94. ». Cette résistance dure depuis très longtemps et a fini par se cristalliser autour de la justice reproductive, laquelle ne se limite pas au seul droit de « choisir » l’avortement.

Le mouvement pour la justice reproductive est né du constat, par des femmes de couleur, que le mouvement pro-choix dominant se concentrait principalement sur l’accès à l’avortement160[…] Loretta Ross, « Understanding Reproductive Justice », Trust Black Women, [en ligne], novembre 2006, [http://www.trustblackwomen.org/our-work/what-is-reproductive-justice/9-what-is-reproductive-justice].. Des féministes blanches jouissant d’une large couverture médiatique négligeaient de traiter du  racisme et du classisme qui contraignent de nombreuses femmes de couleur à l’avortement ou les empêchent d’élever leurs enfants dans un environnement décent et satisfaisant. La justice reproductive concerne plutôt « le bien-être physique, mental, spirituel, politique, social et économique intégral des femmes et des filles, fondé sur la pleine réalisation et la protection des droits fondamentaux des femmes161Traduction libre. Loretta Ross, « What Is Reproductive Justice? », dans  Reproductive Justice Briefing Book: A Primer on Reproductive Justice and Social Change, p. 4, [http://www.law.berkeley.edu/php-programs/courses/fileDL.php?fID=4051] (consulté le 15 février 2017). https://as.vanderbilt.edu/archived/gfc/sitemason.vanderbilt.edu/files/k7qtgc/SisterSong%202007%20Reproductive%20Justice.pdf ». Le mouvement est centré sur les femmes de couleur et autochtones et s’emploie à garantir trois types de droits : le droit d’avoir un enfant, le droit de ne pas avoir un enfant (l’accès à la contraception et à l’avortement), et le droit à la parentalité. Tout en étant axé sur les fins, comme l’amélioration des résultats des femmes, des filles et des communautés en matière de santé, plutôt que sur les moyens, comme l’accès à l’avortement162Ibid., ce mouvement travaille de concert avec les mouvements pour l’autodétermination et les mouvements de lutte contre le racisme et la pauvreté pour améliorer globalement les conditions de vie des femmes et des hommes163Ibid., p. 4-5..

Le mouvement pour la justice reproductive réaffirme l’agentivité des Femmes-Noires et des autres femmes de couleur. Au contraire, le mythe de l’avortement en tant que génocide des Noir·es considère les Femmes-Noires comme foncièrement incapables de faire leurs propres choix en matière de procréation. Les tenant·es de ce mythe pointent souvent du doigt le féminisme, qu’iels considèrent comme un mouvement de femmes blanches exclusivement, lequel serait responsable des taux élevés d’avortement chez les Femmes-Noires. Cette croyance ignore ou minimise les histoires extraordinaires des Femmes-Noires qui pratiquent des avortements depuis des siècles aux États-Unis. […]

De plus, des Femmes-Noires ont organisé et continuent d’organiser et de faciliter l’accès à l’avortement dans le cadre plus large de la justice reproductive. Avant la légalisation de l’avortement en 1973, de nombreuses Femmes-Noires ont participé au mouvement clandestin d’accès à l’avortement partout aux États-Unis164Muna Abdullahi, « A Short History of African American Women and Abortion », Trust Black Women, [en ligne], juillet 2010), [http://www.trustblackwomen.org/2011-05-10-03-28-12/publications-a-articles/african-americans-and-abortion-articles/24-a-short-history-of-african-american-women-and-abortion].. […] Après Roe c. Wade, des Femmes-Noires ont continué à offrir des avortements sûrs et à militer pour un libre accès. En 1974, Byllye Avery a cofondé le Gainesville Women’s Health Center (Centre de santé des femmes de Gainesville) après avoir reçu une formation pour pratiquer des avortements165Byllye Y. Avery, « Black Women’s Health Imperative », [http://www.bwhi.org/staff-and-board-members/board-member/byllye-nbsp-y.-nbsp-avery-nbsp/] (consulté le 15 février 2017).. Elle a ensuite fondé le National Black Women’s Health Project (Projet national de santé des Femmes noires) en 1983, qui plaide encore aujourd’hui en faveur de l’autonomie et de l’agentivité des Femmes-Noires166Ibid..

Des Femmes-Noires écrivent, gazouillent et créent des œuvres d’art en plaçant leur agentivité et leurs propres expériences au centre de leurs récits d’avortement167Voir, par exemple,  Michael Pearson, « Women Embrace, Criticize, #ShoutYourAbortion », CNN, [http://www.cnn.com/2015/09/22/living/shout-your-abortion-feat/] (consulté le 29 septembre 2015) (description de la manière dont des femmes utilisent les médias sociaux pour dé-stigmatiser l’avortement); voir aussi Tasha Fierce, « I Just Had an Abortion »,  Ebony , [en ligne], 12 janvier 2015, [http://www.ebony.com/wellness-empowerment/i-just-had-an-abortion-403#axzz3xGPJ2Nt5] (relatant les raisons et les expériences d’une Femme-Noire ayant vécu un avortement).. Une autrice Noire a contesté la rhétorique toxique de Ben Carson sur le génocide, en écrivant pour Al-Jazeera America que « l’utilisation d’une rhétorique factuellement incorrecte pour rendre insignifiants nos besoins et nos expériences en matière de santé constitue un affront à notre dignité168Traduction libre. Renee Bracey Sherman, « Dr. Ben Carson’s Tall Tales About Abortion and Black Women », Al-Jazeera America, [en ligne], 1er septembre  2015, [http://america.aljazeera.com/opinions/2015/9/dr-ben-carsons-tall-tales-about-abortion-and-black-women.html]. ». D’autres Femmes-Noires ont fait appel à leurs organisations pour répondre directement aux panneaux d’affichage trompeurs ciblant leur droit à choisir l’avortement. Sister Reach, une organisation de justice reproductive Noire, a placé de nombreuses publicités dans les quartiers Noirs de Memphis pour demander au public de « faire confiance aux Femmes-Noires » et à leurs décisions en matière de procréation. L’organisation fait la promotion de moyens pour garantir que les Femmes-Noires puissent exercer tous leurs choix en matière de procréation, y compris celui d’avoir des enfants, celui de ne pas en avoir, et celui d’élever les enfants qu’elles ont. Un panneau montre le visage d’une Femme-Noire accompagné du texte suivant : « Je ne mérite pas d’être humiliée pour mes choix en matière de santé reproductive, même s’il s’agit d’un avortement. Faites-moi confiance pour prendre les meilleures décisions pour moi-même, pour ma famille et pour ma communauté169Traduction libre. Cherisse Scott, « New Billboards Bring Message to Empower and Inspire Black Community », Rewire, [en ligne], 7 octobre 2015, [https://rewirenewsgroup.com/2015/10/07/new-billboards-bring-messages-empower-inspire-black-community/]. Voir « “Pro-Women” Billboards Going up across Memphis », Local Memphis, [en ligne],  [http://www.localmemphis.com/news/local-news/new-pro-choice-billboards-debut-in-memphis/198899775] (consulté le 9 décembre 2017) pour plus de détails sur ces panneaux d’affichage.. »

Un deuxième panneau montre un adorable bébé Noir, comme les publicités anti-choix décrites ci-dessus, mais au lieu de jeter l’opprobre sur les Femmes-Noires, il invite le public à veiller à ce que les Femmes-Noires aient « une chance170Cindy Cooper, « Billboards by SisterReach Put Reproductive Justice on High in Memphis », Words of Choice: Up the Creativity, [en ligne], 13 août 2015, [http://www.wordsofchoice.blogspot.com/2015/08/billboards-by-sisterreach-put.html]. ». Le texte de l’annonce se lit comme suit : « Contribuez à garantir que ma maman ait accès à un salaire décent, un logement abordable, un milieu sûr, des soins de santé, des transports fiables, des écoles sûres et dynamiques, une chance. » Un autre panneau représente une famille Noire hétérosexuelle et énumère les mêmes qualités pour la famille171Ibid.. Tous les panneaux invitent le public à « faire confiance aux femmes noires » et à considérer leurs décisions comme définitives et représentatives de leur compétence à choisir ce qui est le mieux pour leur propre avenir en matière de procréation.

Contrairement aux tenant·es du mythe de l’avortement en tant que génocide des Noir·es, les Femmes-Noires s’emploient activement à combattre les véritables complots génocidaires visant les personnes Noires aux États-Unis. Par exemple, le mouvement Black Lives Matter concentre ses efforts sur la violence d’État, qui se manifeste sous forme de brutalité policière, de pauvreté, d’incarcération de masse, de migrations et de discriminations à l’égard des personnes Noires trans et queer172« About the Black Lives Matter Network », BlackLivesMatter, [en ligne], [http://blacklivesmatter.com/about/] (consulté le 16 février 2017).. La campagne Say Her Name (Dis son nom) met aussi en lumière la réalité des Femmes-Noires (trans et cis) victimes de brutalité policière aux États-Unis173« About #SayHerName », African American Policy  Forum, [en ligne], [http://www.aapf.org/sayhername] (consulté le 16 février 2017).. SisterSong continue de fédérer les femmes de couleur dans le but d’éradiquer l’oppression en matière de procréation et de garantir le respect des droits fondamentaux de l’ensemble des femmes et des filles174« SisterSong », [en ligne], [http://www.sistersong.net] (consulté le 16 février 2017).. Spark! défend la justice reproductive et collabore avec d’autres organisations concentrées dans les États du Sud des États-Unis175« About Us », SPARK!, [en ligne], [https://sparkrj.org/about-us/].. En prenant l’histoire du Sud comme « point zéro des politiques législatives dangereuses et restrictives… », Spark! continue de se développer à l’intersection de diverses communautés en amplifiant les voix les plus marginalisées dans le cadre de la lutte pour la justice reproductive176Ibid..

Conclusion

Compte tenu du travail extraordinaire que les Femmes-Noires ont accompli et continuent d’accomplir pour promouvoir et libérer la race Noire dans son ensemble, tous les hommes – et en particulier les hommes Noirs – devraient les soutenir dans leurs choix en matière de procréation. Le travail révolutionnaire des activistes et des organisations Noires en faveur de la justice reproductive commande le soutien et le respect des hommes Noirs. La loyauté dont les Femmes-Noires ont fait preuve à l’égard des hommes Noirs pendant l’esclavage, la ségrégation Jim Crow et les mouvements pour les droits civiques et la libération des Noir·es doit leur être rendue lorsqu’elles revendiquent le droit d’exercer leur propre autonomie corporelle.

[…] Non seulement une race divisée ne peut pas s’épanouir et prospérer, mais tout mouvement ne parvenant pas à recentrer ses membres qui se trouvent à la marge est condamné à reproduire les oppressions auxquelles il prétend vouloir mettre fin. En faisant confiance aux Femmes-Noires et en leur donnant les moyens de prendre leurs propres décisions en matière de procréation, les activistes anti-choix pourraient rediriger leurs ressources considérables vers des causes plus louables et non oppressives afin de favoriser effectivement l’épanouissement de la race Noire.

[…] L’élimination de l’accès à l’avortement n’empêche pas vraiment les avortements, comme en témoigne l’existence des avortements illégaux avant l’arrêt Roe c. Wade. Elle entraînerait cependant la mort de nombreuses femmes, dont beaucoup seraient des Femmes-Noires, aux mains de praticiens clandestins. […]

La définition du génocide des Nations unies comprend la « soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle177Voir supra note 9 et le texte correspondant. ». Cette disposition serait certainement satisfaite dans le scénario d’avenir vers lequel les activistes anti-choix souhaitent nous entraîner. Le renvoi de l’avortement dans les ruelles imposerait des conditions intenables aux Femmes-Noires, qui sont déjà accablées par les oppressions combinées de la misogynoire. Ironiquement, ces activistes anti-choix qui disent vouloir sauver la race Noire entraîneraient la destruction des vies de celles qui font vivre la race, les Femmes-Noires.

[…] Le soutien apporté aux Femmes-Noires qui choisissent l’avortement contribue également à renforcer la notion que leur vie est importante, quels que soient leurs choix en matière de procréation. En s’affranchissant des clichés traumatisants sur les Femmes-Noires, comme la Jézabel et la mammy, les efforts visant à mettre fin à ces injustices ne peuvent qu’entraîner des effets positifs sur la communauté Noire tout entière.

Étant donné l’état actuel (et persistant) de la société aux États-Unis, je ne suis pas surprise que les Femmes-Noires choisissent l’avortement à des taux plus élevés que les femmes blanches178Susan A. Cohen, « Abortion and Women of Color: The Bigger Picture », Guttmacher Policy Review, vol. 11, no 3, 2008, [https://www.guttmacher.org/gpr/2008/08/abortion-and-women-color-bigger-picture].. Mais en présentant cela comme un choix libre, alors qu’il est fait sous une contrainte persistante (comme la plupart des choix que font les Femmes et les Filles-Noires), le gouvernement, les médias, les hommes Noirs et la société étatsunienne dans son ensemble font des Femmes-Noires des boucs émissaires. Il suffit de penser aux taux élevés de pauvreté chez les Femmes-Noires, à la représentation des Femmes-Noires comme mères célibataires et à l’opprobre rejeté sur elles à cet égard, ou à la persistance du préjugé selon lequel les Femmes-Noires seraient de mœurs légères. La communauté Noire doit cesser définitivement de croire au mythe de l’avortement en tant que génocide des Noir·es. Elle doit retirer son soutien à ce mythe et transférer la honte sur les personnes et les organisations qui en font la promotion à l’extérieur et, particulièrement, à l’intérieur de nos communautés. En condamnant les Femmes-Noires qui choisissent l’avortement, tous ces acteurs se déchargent de leur part de responsabilité pour l’environnement toxique dans lequel les mères Noires devraient choisir de mettre au monde leurs enfants. Ces dénonciations et autres tentatives de nier notre agentivité ne feront que ralentir notre libération à toutes et à tous, mais elles ne nous décourageront pas et ne nous arrêteront pas, nous, les Femmes-Noires. Nous ne sommes pas, et n’avons jamais été de simples contenants d’où naissent les révolutionnaires. Nous sommes la révolution.        

Notes de bas de page

  • 1
    Voir Cheryl I. Harris, « Whiteness as Property », Harvard Law Review, vol. 106, no 8, 1993, p. 1707, 1719, note no. 34. Dans cet article, je souscris à la justification de Cheryl Harris pour l’utilisation de la désignation « Blackwomen » [N.D.T. ci-après« Femmes-Noires »] : « Mon emploi du terme “Blackwomen” relève d’un effort pour tenir un langage reflétant clairement l’unicité de l’identité à la fois “Noire” et “Femme”, sans que l’un ou l’autre de ces facteurs d’identité prédomine ou soit subordonné à l’autre. Il s’agit d’une tentative consciente de concrétiser ce qui a été théorisé ailleurs, à savoir que, comme le fait observer Kimberlé Crenshaw, “les femmes noires existent à la croisée des hiérarchies de genre et raciale” » [Traduction libre.]; Ibid. (citant Kimberlé Crenshaw, « Whose Story Is It, Anyway?, Feminist and Antiracist Appropriations of Anita Hill », dans Toni Morrison (éd.), Race-ing Justice, En-gendering Power: Essays on Anita Hill, Clarence Thomas, and the Construction of Reality, 1992,  p. 402, 403-04); voir aussi Kimberlé Crenshaw, « Demarginalizing the Intersection of Race and Sex: A Black Femi­nist Critique of Anti-Discrimination Doctrine, Feminist Theory and Anti-Racist Politics », University of Chicago Legal Forum, vol. 1989 (1), p. 139.
  • 2
    La terminologie employée par ces activistes sur leurs sites web et dans leur propre matériel est « pro-vie ». Contrairement à certain·es auteur·rices, j’ai choisi de ne pas utiliser ce terme et de mettre plutôt l’accent sur le mot-clé « choix », les personnes favorables au choix en matière de procréation étant désignées comme « pro-choix », et les personnes s’opposant à ce choix, y compris à l’avortement, étant désignées comme « anti-choix ».
  • 3
    L.E.A.R.N. NETWORK, « Abortion & Genocide, Black Genocide », [en ligne], [http://www.blackgenocide.org/abortion.html] (consulté le 6 janvier 2017).
  • 4
    Je mets le mot « Noir » en majuscule tout au long de cet article, pour les raisons exprimées avec éloquence par Cheryl Harris et Kimberlé Crenshaw dans « Whiteness as Property », op. cit. [N.D.T. Par soucis de conformité à l’esprit du texte, la majuscule est privilégiée pour le mot « Noir » dans la version française, et ce, qu’il soit employé comme substantif ou adjectif, contrairement aux prescriptions de la grammaire française.] Au contraire, compte tenu de l’histoire politique de la blanchité et de sa dépendance à la subordination des personnes Noires, la majuscule aux mots « blanc » et « blanchité » tendrait à renforcer cette domination, et est conséquemment omise. […]
  • 5
    Les tenant·es de ce mythe opèrent habituellement une personnification du fœtus avorté en lui attribuant le statut de bébé, d’enfant ou de personne. Voir Loxafamosity Ministries, « Medical Testimony », [en ligne], [http://www.abort73.com/abortion/medical_testimony/] (consulté le 6 janvier 2017).
  • 6
      Le postulat selon lequel le féminisme est une invention des femmes blanches, et d’elles seules, ignore complètement la longue histoire de l’activisme féministe des Femmes-Noires. Voir Stacey Tisdale, « Gloria Steinem on Black Women ‘They Invented the Feminist Movement’ », Black Enterprise, [en ligne]. (Pour citer Gloria Steinem : « […] la partie du mouvement issue de la classe moyenne blanche a davantage été médiatisée, mais si vous examinez les chiffres et la toute première enquête d’opinion interrogeant des femmes sur les questions féministes, les femmes afro-américaines étaient deux fois plus susceptibles de soutenir le féminisme et les questions féministes que les femmes blanches. ») [Traduction libre.]
  • 7
    Le pasteur Childress est le fondateur de L.E.A.R.N. (Life Education And Resource Network) et l’organisateur de la marche annuelle afro-américaine « Say So » pour mettre fin à l’avortement. Voir L.E.A.R.N. NETWORK, « The Director », « Black Genocide », [en ligne], [http://www.blackgenocide.org/abortion.html] (consulté le 6 janvier 2017); BLACK NEWS, « Pro-Life African Americans March to the Supreme Court Hoping to Bring an End to Abortion », [en ligne], 23 octobre 2014, [http://www.blacknews.com/news/learn-african-american-pro-life-group-march-end-abortion/#.Vob63DZlnBI].
  • 8
    Simone M. Caron, « Birth Control and the Black Community in the 1960’s: Genocide or Power Politics », Journal of Social History, vol. 31, 1998, p. 546.
  • 9
    ORGANISATION DES NATIONS UNIES, Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, article II, le 9 décembre 1948. Recueil des Traités, vol. 78, p. 277.
  • 10
    Emily Crockett, « ‘All Lives Matter’ Is Now Being Used against Abortion Rights », Vox, [en ligne], 10 janvier 2016, [http://www.vox.com/2016/1/10/10745722/all-lives-matter-abortion].
  • 11
    Objectivement, l’avortement n’est pas particulièrement accessible, surtout pour les Femmes-Noires. Voir Mary Treadwell, « An African American Woman Speaks Out for Abortion Rights », dans  Rosalyn Baxandall et Linda Gor­don (éds.), Dear Sisters: Dis­patches From the Women’s Liberation Movement, 2000, p. 149.
  • 12
    Le gouvernement des États-Unis a bel et bien employé des fonds fédéraux pour stériliser des Femmes-Noires et offert des incitatifs financiers pour stimuler l’usage du contraceptif Norplant chez les femmes à faible revenu bénéficiaires de Medicaid [N.D.T. Le programme public d’assurance maladie]. Voir Dorothy Roberts, Killing the Black Body : Race, Reproduction, and the Meaning of Liberty, 1997, p. 104-149.
  • 13
    Titania Kumeh, « Conspiracy Watch: Is Abortion Black Genocide? », Mother Jones, [en ligne], 12 octobre 2010, [https://www.motherjones.com/media/2010/10/abortion-black-genocide/].
  • 14
    Kesiena Boom, « 4 Tired Tropes That Perfectly Explain What Misogynoire Is – And How You Can Stop It », Everyday Feminism,  [en ligne], 3 août 2015, [https://everydayfeminism.com/2015/08/4-tired-tropes-misogynoir/].
  • 15
    Les activistes anti-choix comme le pasteur Childress et la Dre Aveda King estiment que le statut de personne commence au moment de la contraception. Je crois pour ma part que chaque femme a le droit de prendre ses propres décisions en matière de santé. Penny Starr, « Alveda King on ‘Black Lives Matter’—’From Conception to Natural Death’ », CNS News, [en ligne], 8 janvier 2015, [http://www.cnsnews.com/news/article/penny-starr/alveda-king-black-lives-matter-conception-natural-death]. J’estime que la capacité de prendre et d’exécuter des décisions en matière de procréation est un élément central de l’autodétermination des femmes et des filles. Il n’existe aucune situation concevable où j’estime, personnellement, que ce droit puisse être limité dans l’intérêt du fœtus. Selon l’Institut Guttmacher, les deux tiers des avortements sont réalisés à huit semaines de grossesse ou avant, et 91 % sont réalisés au cours des treize premières semaines de la grossesse. Il est largement admis que la viabilité du fœtus intervient entre la vingt-deuxième et la vingt-quatrième semaine de gestation et, même à ce stade, je ne crois pas que la capacité d’une femme à interrompre une grossesse doive être restreinte par la loi. […]
  • 16
    Dorothy Roberts, op. cit., p. 39.
  • 17
    David Pilgrim, « The Jezebel Stereotype », Jim Crow Museum of Racist Memorabilia, Ferris State University, 2012, [https://jimcrowmuseum.ferris.edu/jezebel/index.htm]
  • 18
    A. Leon Higginbotham, Jr., essai, « What Took Place and What Happened: White Male Domination, Black Male Domination, and the Denigration of Black Women », Washington Post, 1995.
  • 19
    Ibid. « Le crime de viol n’existe pas dans cet État entre esclaves africains; nos lois ne reconnaissant aucun statut marital entre esclaves, la régulation de leurs relations sexuelles est laissée à la discrétion de leurs propriétaires. Les règles de droit applicables à la race blanche en matière de relations sexuelles ne s’appliquent pas et ne peuvent pas, pour des raisons évidentes, s’appliquer aux esclaves. […] » [Traduction libre.] 

    Ibid; Patricia A. Broussard, « Black Women’s Post-Slavery Silence Syndrome: A Twenty-First Century Remnant of Slavery, Jim Crow, and Systemic Racism—Who Will Tell Her Stories? », The Journal of Gender, Race and Justice, vol. 16, 2013, p. 373, 381; selon Merril D. Smith (éd.), Encyclopedia of Rape, 2004, p. 235.
  • 20
    A. Leon Higginbotham, Jr., op. cit.
  • 21
    Traduction libre. Dorothy E. Roberts, « Rape, Violence, and Women’s Autonomy », University of Pennsylvania Legal Schol­arship Repository, 1993, p. 359, 365.
  • 22
    Ibid., p. 366.
  • 23
    BUREAU OF JUSTICE STATISTICS SPECIAL REPORT. Hart and Rennison, 2003, U.S. Deptartment of Jus­tice.
  • 24
    « Une femme afro-américaine a huit fois plus de chances d’être incarcérée qu’une Américaine d’ascendance européenne. » [Traduction libre.] Amnesty International, Women in Prison : A Factsheet, p. 2, [http://www.prisonpolicy.org/scans/women_prison.pdf].
  • 25
    David Pilgrim, « The Mammy Caricature », Jim Crow Museum of Racist Memorabilia, Ferris State University, [https://jimcrowmuseum.ferris.edu/mammies/] (consulté le 6 janvier 2017).
  • 26
    Ibid.
  • 27
    Ibid.
  • 28
    Clenard H. Childress Jr. est un pasteur baptiste, tandis que la Dre Alveda King est une chrétienne évangélique. Kathryn Joyce, « Abortion as ‘Black Genocide’: An Old Scare Tactic Re-Emerges », Political Research Associates [en ligne], 29 avril 2010.
  • 29
    Traduction libre. Thomas D. Williams, « Black Pastor Tells NAACP Abortion is Racist Genocide », Breitbart, [en ligne], 20 juillet 2015, [http://www.breitbart.com/big-government/2015/07/20/black-pastor-tells-naacp-abortion-is-racist-genocide].
  • 30
    Ibid.
  • 31
    Voir Gerard M. Nadal, « Black Genocide and Planned Parenthood », Coming Home, [en ligne],  1er  février 2010, [https://www.gerardnadal.com/2010/02/01/black-genocide-and-planned-parenthood], (reproduisant un graphique présenté initialement par le révérend Childress, de L.E.A.R.N.).
  • 32
    Contrairement aux membres de la NOI, qui s’adresse exclusivement aux personnes Noires, les adeptes sunnites et chiites sont de races et d’ethnies diverses. « Dans les écrits religieux, la conception normative dominante fait écho à l’insistance, dans le Coran, sur le fait que la religiosité prime sur l’appartenance ethnique ou raciale. » [Traduction libre.] James Jankowski, « Islamic Views of Ethnicity and Race – Bibliography », J. Rank Science & Philosophy.
  • 33
    « Nation  of  Islam »,  Southern  Poverty  Law Center.
  • 34
    Religious News Service, « Muslims See Contrasts with Nation of Islam Tents of Farrakhan’s Group Have Historically Different From Mainstream Islam’s. Publicity of Upcoming Million Man March Accents Distinctions », L.A. Times, [en ligne], 14 octobre 1995.
  • 35
    Ibid.
  • 36
    Traduction libre. Edward E. Curtis IV, Black Muslim Religion in the Nation of Islam, 1960-1975, 2006,  p. 121.
  • 37
    Traduction libre. Ibid.
  • 38
    Donald T. Critchlow, Intended Consequences: Birth Control, Abortion, and the Federal Government in Modern America, 1999, p. 142.
  • 39
    Traduction libre. « Nation of Islam Leader Warns Against Abortion », Dominica News Online, [en ligne], 5 décembre 2012, [http://www.dominicanewsonline.com/news/homepage/news/muslim-leader-warns-students-against-abortion].
  • 40
    […] Dawn-Marie Gibson et Jamilah Kari, Women of the Nation: Between Black Protest and Sunni Islam, 2014, p. 139.
  • 41
    Sitting Bull est le chef des Hukpapas Lakotas qui a unifié toutes les tribus Lakota dans une lutte pour leur survie dans les Grandes Plaines, contre la puissance militaire des États-Unis et la doctrine de la « destinée manifeste ». West Film Project et WETA-TV, « New Perspectives on THE WEST », PBS, 2001.
  • 42
    Traduction libre. Penny Starr, « Farrakhan on Abortion: ‘It Would Be So Tragic If the Next’ MLK or Jesus ‘Was Flushed Away’ », CNS News, [en ligne], 12 octobre 2015.
  • 43
    Dans la théologie de la NOI, Yacoub est le père du diable et le scientifique maléfique responsable de la création de la race blanche par voie de consanguinité et d’infanticide. Eric Pement, « Luis Farrakhan and the Nation of Islam: Part Two », Cornerstone, vol. 26, 1997, p. 32-36.
  • 44
    Simone M. Caron, op.cit., p. 546.
  • 45
    Marcus Garvey, History, [en ligne], 2009, [http://www.history.com/topics/black-history/marcus-garvey].
  • 46
    Garvey a été expulsé vers la Jamaïque en 1927. Ibid.
  • 47
    Robert A. Hill et Barbara Blair (éds.), Marcus Garvey: Life and Lessons: A Centennial Companion to the Marcus Garvey and Universal Negro Improvement Association Papers , 1998) p. 441.
  • 48
    Simone M. Caron, op.cit., p. 546
  • 49
    Traduction libre. Loretta J. Ross, « African-American Women and Abortion », dans Rickie Solinger (éd.), Abortion Wars: A Half-Century of Struggle, 1950–2000, 1e éd., 1998, p. 180; reproduit dans Loretta J. Ross, « African-American Women and Abortion », Trust Black Women.
  • 50
    « Quick   Facts:   United   States », U.S. Census, [en ligne], [http://www.census.gov/quickfacts/table/PST045216/00] (consulté le 7 janvier 2017).
  • 51
    Center for American Women & Politics, « Women in U.S. Congress 2015 », Rutgers Eagleton Institute of Politics, [en ligne], 2016.
  • 52
    Considérons par exemple « l’émancipation » formelle de la population d’esclaves Noir·es, suivie presque immédiatement par les Codes noirs et le système de servitude par dette (péonage). Voir Michele Alexander, The New Jim Crow: Mass Incarceration in the Age of Colorblindness, 2012, p. 4.
  • 53
    Traduction libre. Doris Witt, « What (N)ever Happened to Aunt Jemima: Eating Disorders, Fetal Rights, and Black Female Appetite in Contemporary American Culture », dans Kimberly Wallace Sanders (éd.), Skin Deep, Spirit Strong The Black Female Body in American Culture, 2002, p. 252.
  • 54
    Robert E. Johnson, « Legal Abortion: Is it Genocide or Blessing in Disguise? », Jet Magazine, vol. 43, no 26, 22 mars 1973, p. 15.
  • 55
    Traduction libre. Jesse Jackson, « How We Respect Life Is the Over-riding Moral Issue », Right to Life News, [en ligne], janvier 1977, reproduit dans Jesse Jackson, « How We Respect Life Is the Over-Riding Moral Issue », No Violence  Period.
  • 56
    « Rev. Jesse Jackson’s Abortion Flip Flop Timeline », Saynsumthn’s Blog, [en ligne], 10 mars 2011, [http://www.saynsumthn.wordpress.com/2011/03/10/rev-jesse-jacksons-abortion-flip-flop-timeline].
  • 57
    Nicole Martin, « Women Key in Shaping Black Panther Party: Historian Reveals How African American Women Transformed Gender Roles in the Black Power Movement », Clayman Institute for Gender Research.
  • 58
    Jennifer Nelson, Women of Color and the Reproductive Rights Movement, 2003, p. 105.
  • 59
    Traduction libre. Ibid.
  • 60
    Voir Samuel Josephs, « Whose Revolution Is This? Gender’s Divisive Role in the Black Panther Party », Georgetown Journal of Gender and Law, vol. 9, 2008,  p. 403, 405, 408-09. […]
  • 61
    Tracye A. Matthews, « “No One Ever Asks What a Man’s Role in the Revolution Is”: Gender Politics and Leadership in the Black Panther Party, 1966–71 », dans Bettye Collier-Thomas et V.P. Franklin (éds.), Sisters in the Struggle: African-American Women in the Civil Rights- Black Power Movement, 2001, p. 230-56.
  • 62
    « American Black Nationalist on Population Control », Family Planning, Stanford University, [en ligne],  20 novembre 2008, [http://stanford.edu/group/womenscourage/cgi-bin/blogs/familyplanning/2008/11/20/american-black-nationalists-on-population-control].
  • 63
    J’utilise le terme « herstory » [N.D.T. l’histoire au féminin] au lieu du terme courant « history » afin déplacer le point focal lorsqu’il est question des préjudices subis par les Africain·es réduit·es en esclavage. Plutôt que de faire de l’expérience des femmes et des filles une sorte de considération secondaire, je les situe au centre de l’analyse. […] De plus, en me concentrant sur l’« herstory », je cherche à replacer les Femmes-Noires au centre de leurs histoires, en tant que participantes actives, au lieu de les dépeindre comme des actrices passives qui se contentent de survivre à leur oppression.
  • 64
    Ce n’est pas à dire que seules les Femmes et les Filles-Noires ont vu leurs fonctions reproductives contrôlées par les blancs. Les hommes Noirs réduits en esclavage étaient quant à eux forcés de se reproduire ou étaient castrés à la convenance de leurs maîtres. Voir Dorothy Roberts, Killing the Black Body: Race, Reproduction, and the Meaning of Liberty, 1997, p. 104-149.
  • 65
    Dick Gregory, un activiste bien connu, exprimait en ces termes son opposition au droit à l’avortement : « Ma réponse au génocide, bien simplement, est huit enfants Noirs et un autre en chemin. » [Traduction libre.] Thomas B. Littlewood, The Politics of Population Control, 1977,  p. 18.
  • 66
    Traduction libre. Regina Austin, « Sapphire Bound! », dans Kimerblé Crenshaw et coll. (éds.), Critical Race Theory: The Key Writings that Formed the Movement, 1995, p. 426, 433.
  • 67
    « Je considère sans importance le travail d’une génitrice, et pour moi un enfant élevé tous les deux ans est plus profitable que la récolte du meilleur des ouvriers. » [Traduction libre.] Wilma A. Dunaway, The African American Family in Slavery and Emancipation, 2003, p. 114  (citant Thomas Jefferson, propriétaire d’une plantation à Blue Ridge, en Virginia).
  • 68
    En 1662, l’assemblée coloniale de Virginie a décrété que « les enfants nés d’un Anglais et d’une femme noire seront esclaves ou libres, selon la condition de la mère… » En renversant la présomption d’usage de common law, en vertu de laquelle le statut de l’enfant est déterminé par celui du père, cette règle favorisait la reproduction de la force de travail des propriétaires d’esclaves. Puisque les enfants des Femmes-Noires héritaient du statut de leur mère, les esclaves étaient, par la force des choses, engendrés à travers le corps des Femmes-Noires. […] Cheryl I. Harris, « Whiteness as Property », Harvard Law Review, vol. 106, no 8, 1993, p. 1719-20.
  • 69
    Eugene D. Genovese, Roll Jordan Roll: The World the Slaves Made, 1976, p. 473. Voir John W. Blassingame, The Slave Community: Plantation Life in the Antebellum South, 1972, p. 86.
  • 70
    Dorothy Roberts, Killing the Black Body: Race, Reproduction, and the Meaning of Liberty, p. 27.
  • 71
    John W. Blassingame, op. cit., p. 76. « En esclavage, c’est comme si vos enfants appartenaient à tout le monde sauf à vous. – Katie Johnson, mère esclave dans les Appalaches. »[Traduction libre.] Ibid., p. 94.
  • 72
    « Seulement 13 % environ de la population afro-américaine en 1860 avaient des ancêtres blancs, selon les recensements, bien que certains chercheurs ont estimé que cette proportion était de 20 % ou plus […] ». [Traduction libre.] Eugene D. Genovese, op. cit., p. 414 (citant W. E. Burghardt Du Bois, Black Reconstruction in America 1860–1880, 1974, p. 3-4; voir aussi Robert William Fogel et Stanley L. Engerman, Time on the Cross: The Economics of American Slavery, 1995, p. 133.   
  • 73
    […] Pamela D. Bridgewater,  « Ain’t I a Slave: Slavery Reproductive Abuse, and Reparations », UCLA Women’s Law Journal, vol. 14(1), 2005, p. 89, 117.
  • 74
    Angela Y. Davis, Women, Race and Class, 1981, p. 3; voir aussi Eugene D. Genovese, op. cit., p. 504-505.
  • 75
    Eugene D. Genovese, op. cit., p. 497
  • 76
    Janell Hobson, « Black Herstory Haunted by Margaret Garner », Ms. Magazine Blog, [en ligne], 18 février 2012. [http://msmagazine.com/2012/02/18/black-herstory-haunted-by-margaret-garner/].
  • 77
    Eugene D. Genovese, op. cit., p. 497.
  • 78
    « On a estimé à un sur six ou sept le nombre de mariages entre esclaves qui ont été brisés par la force ou la vente. » [Traduction libre.] Herbert Gutman, The Black Family in Slavery and Freedom 1750 – 1925,  1976.
  • 79
    John W. Blassingame, op. cit., p. 181; Herbert Gutman, op. cit., p. 203.
  • 80
    John W. Blassingame, op. cit., p. 181.
  • 81
    Les sociologues ont aussi étudié l’expérience de la famille élargie au sein des communautés afro-américaines en raison de l’histoire unique des Africain·es aux États-Unis, qui ont souffert de l’esclavage, de Jim Crow, de la ségrégation en droit et en fait, et de la discrimination en matière de logement, d’emploi et d’éducation. Ces études montrent que la composition familiale complexe du système de la famille élargie centrée sur l’enfant au sein des communautés Noires aux États-Unis a contribué de manière importante à la survie et à l’avancement des enfants malgré les obstacles sociaux et politiques dressés devant eux. A. Holmes, « The Extended Family System in the Black Community: A Child-Centered Model for Adoption Policy », Temple Law Review, vol. 68, 1995, p. 1649, 1660  (les citations internes sont omises).
  • 82
    Steven Selden, Inheriting Shame: The Story of Eugenics and Racism in America, 1999, p. 2.
  • 83
    Ibid.
  • 84
    Ibid.
  • 85
    Voir Facing History and Ourselves Foundation, « Race and Membership in American History: The Eugenics Movement », 4e  éd., 2002. […]
  • 86
    […] Elizabeth Cohen et John Bonifield, « California’s Dark Legacy of Forced Sterilizations », CNN, [en ligne], 15 mars 2012, [http://www.cnn.com/2012/03/15/health/california-forced-sterilizations];[…] Alexandra Minna Stern, « Sterilized in the Name of Public Health: Race, Immigration, and Reproductive Control in Modern California », American Journal of Public Health, vol. 95, 2005, p. 1128.
  • 87
    Ibid. Cohen et Bonifield, op. cit.
  • 88
    Ibid.
  • 89
    Steven Selden, op.cit.
  • 90
    Ibid.
  • 91
    Dennis  O’Neil, « Darwin  and  Natural  Selection », Palomar  College, [http://www.anthro.palomar.edu/evolve/evolve_2.htm] (consulté le 13 février 2017).
  • 92
    Ibid.
  • 93
    Ibid.
  • 94
    Ibid.
  • 95
    « Herbert Spencer », PBS, [en ligne], [http://www.pbs.org/wgbh/amex/carnegie/peopleevents/pande03.html], (consulté le 13 février 2017). https://www.pbs.org/wgbh/americanexperience/features/carnegie-herbert-spencer/
  • 96
    Traduction libre. Josiah Strong, Our Country: Its Possible Future and Its Present Crisis, 1885, p. 165.
  • 97
    Traduction libre. Ibid.
  • 98
    Voir Plessy c. Ferguson, 1896, p. 163 U.S 537, 551. […]
  • 99
    Dorothy Roberts, Killing the Black Body: Race, Reproduction, and the Meaning of Liberty, 1997, p. 104-149 at 7 […]
  • 100
    Ibid.
  • 101
    Voir, par exemple, Nancy Ordover, American Eugenics: Race, Queer Anatomy, and the Science of Nationalism, 2003, p. 80, 210. […]
  • 102
    Judith Kegan Gardner, Masculinity Studies and Feminist Theory: New Directions, 2013, p. 314-315.
  • 103
    Voir Dorothy Roberts, Killing the Black Body: Race, Reproduction, and the Meaning of Liberty, p. 306-307. […]
  • 104
    « Le fait de décrire une jeune femme comme faible d’esprit était souvent un prétexte pour punir son immoralité sexuelle. Beaucoup de femmes ont été envoyées dans des institutions pour y être stérilisées simplement parce qu’elles avaient des mœurs légères ou étaient tombées enceintes en dehors du mariage. » [Traduction libre.] Dorothy Roberts, op. cit., p. 70.
  • 105
    Ibid. p. 69.
  • 106
    Ibid. p. 70.
  • 107
    Nancy Ordover, op. cit., p. 140.
  • 108
    Ibid. p. 130-131.
  • 109
    Dans Relf c.Weinberger […]. Dorothy E. Roberts, « Punishing Drug Addicts Who Have Babies: Women of Color, Equality, and the Right of Privacy », Harvard Law Review, vol. 104, no 7, 1991, p. 1419, 1443.
  • 110
    Voir Dorothy Roberts, op.cit., p. 90 (notant que les médecins étaient incités à pratiquer des hystérectomies totales, pour lesquelles iels recevaient 800 $, plutôt que seulement 250 $ pour une ligature des trompes, ces deux procédures constituant cependant des formes de stérilisation).
  • 111
    Ibid. p.  91 (où la Boston City Hospital est nommée comme une institution dont il est avéré qu’elle pratiquait des hystérectomies excessives et non médicalement nécessaires sur des patientes Noires).
  • 112
    Ibid.
  • 113
    Willoughby Mariano, « Cain Claims Planned Parenthood Founded for “Planned Genocide” », Politifact Ga. , [en ligne], 8 avril 2011), [https://www.politifact.com/factchecks/2011/apr/08/herman-cain/cain-claims-planned-parenthood-founded-planned-gen/].
  • 114
    Traduction libre. Fred Lucas, « Herman Cain: ‘It’s Not Planned Parenthood—No, It’s Planned Genocide’ », CNSNews,  [en ligne], 15 mars 2011, [http://www.cnsnews.com/news/article/herman-cain-it-s-not-planned-parenthood-no-it-s-planned-genocide].
  • 115
    Traduction libre. « Ben Carson: Abortions Are No.1 Cause of Death for Black People », The Grio, [en ligne], 14 août 2015, [http://www.thegrio.com/2015/08/14/ben-carson-abortions-planned-parenthood]. https://www.motherjones.com/politics/2015/08/ben-carson-abortions-are-main-cause-black-deaths/
  • 116
    « Heart Disease Facts », Center for Disease Control and Prevention  [en ligne], [http://www.cdc.gov/heartdisease/facts.htm] (dernière mise à jour le 10 août 2015). https://www.cdc.gov/heart-disease/data-research/facts-stats/index.html
  • 117
    Traduction libre. Amber  Ferguson, « Ben Carson  Says Abortions Are  Main Cause  of Death for  Black People », Huffington Post, [en ligne], 14 août 2015.
  • 118
    Glenn Kessler, « Margaret Sanger, Planned Parenthood and Black Abortions: Ben Carson’s False Claim », Washington Post, [en ligne], 18 août 2015.
  • 119
    Ibid.
  • 120
    En ce qui concerne les accusations selon lesquelles Margaret Sanger essayait d’exterminer la race Noire, voir Tanya L. Green, « The Negro Project: Margaret Sanger’s Eugenic Plan for Black America », BlackGenocide, [en ligne], [http://www.blackgenocide.org/negro.html] (consulté le 13 février 2017).
  • 121
    Voir par exemple, ibid. (où l’autrice affirme que le Negro Project de Sanger s’apparente à un génocide contre la population Noire).
  • 122
    Newsletter #28 (automne 2001) : « Birth Control or Race Control? Sanger and the Negro Project », Margaret Sanger Papers Project, N.Y.U., [en ligne], [https://sanger.hosting.nyu.edu/articles/bc_or_race_control/] (consulté le 13 février 2017).
  • 123
    « The Negro Project: Poor, Black, & Undesirable », Too Many Aborted, [http://www.toomanyaborted.com/thenegroproject] (consulté le 13 février 2017).
  • 124
    Traduction libre. Lori Robertson, « Cain’s False Attack on Planned Parenthood », FactCheck, [en ligne], 1er novembre2011, [http://www.factcheck.org/2011/11/cains-false-attack-on-planned-parenthood].
  • 125
    Alveda C. King, « An Analysis of the PPH MLK Brochure », Priests for Life, [en ligne], [https://www.priestsforlife.org/king-planned-parenthood.pdf]  (consulté le 13 février 2017).
  • 126
    « Les femmes noires vivent en moyenne quatre ans de moins que les femmes blanches. Les femmes noires (aux États-Unis) ont une espérance de vie plus courte que les femmes de la Barbade, du Panama, de la Bosnie et des Bahamas. Les taux de mortalité infantile sont deux fois plus élevés chez les personnes noires. » [Traduction libre.] Vernella R. Randall, « Inequality in Health Care is Killing African Americans », Human Rights Magazine, vol. 39,  American Bar Association.
  • 127
    En 2013, « 97 % des services offerts par Planned Parenthood sont d’autres soins de santé primaires et reproductifs [par rapport aux avortements] ». Lauren Carroll, « 97% of Planned Parenthood’s Work Is Mammograms, Preventive care, O’Malley Says », PolitiFact, [en ligne], 3 août 2015, [https://www.politifact.com/factchecks/2015/aug/03/martin-omalley/97-planned-parenthoods-work-mammograms-preventive-/].
  • 128
    Imani Gandy, « How False Narratives of Margaret Sanger are Being Use to Shame Black Women », Rewire, [en ligne], 20 août 2015, [http://www.rewire.news/article/2015/08/20/false-narratives-margaret-sanger-used-shame-black-women].
  • 129
    Traduction libre. Martin Luther King Jr., « Family Planning – A Special and Urgent Concern, Response on Receiving Award at the Fiftieth Anniversary Banquet of Planned Parenthood »,The King Center, [en ligne], 5 mai 1966, accessible à  [http://www.thekingcenter.org/archive/document/family-planning-special-and-urgent-concern#] (consulté le 17 janvier 2017).https://civilrightsadvocacy.net/2014/01/20/mlk-jr-and-his-family-planning-a-special-and-urgent-concern-speech/
  • 130
    Voir supra notes 56 et 57 et le texte correspondant, concernant l’analyse d’une section locale de la NAACP en Floride.
  • 131
    Traduction libre. King Jr., op. cit., p. 128.
  • 132
    Traduction libre. Ibid.
  • 133
    Voir Emily Derois, « Dr. Martin Luther King’s Niece Opposes Abortion : “Civil Rights and Human Rights Go Together” », LifeNews, [en ligne], 6 juin 2016, [https://www.lifenews.com/2016/06/06/dr-martin-luther-kings-niece-opposes-abortion-civil-rights-and-human-rights-go-together/] « Je sais au fond de mon cœur que si mon oncle Martin était vivant aujourd’hui, il se joindrait à moi dans la plus grande lutte pour les droits civiques de cette génération, soit la reconnaissance du droit fondamental à la vie de l’enfant à naître. » [Traduction libre.]
  • 134
    Alveda C. King, « An Urgent Election Message from Evangelist Alveda King, Director of Civil Rights for the Unborn for Priests for Life », PriestsforLife, [en ligne], 26 octobre 2016), [http://www.priestsforlife.org/africanamerican/blog/index.php/2016/10].
  • 135
    Alveda King, « Dr. Alveda King’s 2012 March for Life Testimony », Silent No More Awareness, [en ligne], [http://www.silentnomoreawareness.org/testimonies/testimony.aspx?ID=2473]  (consulté le 13 février 2017)
  • 136
    Ibid.
  • 137
    Ibid.
  • 138
    Traduction libre. Ibid.
  • 139
    « The Hyde Amendment? », National Network of Abortion Funds, [En ligne], [https://abortionfunds.org/hyde] (consulté le 17 janvier  2017). https://abortionfunds.org/understanding-the-hyde-amendment-an-faq/ 
  • 140
    Alexandra Cawthorne, « The Straight Facts on Women in Poverty », Center for American Progress, [en ligne], octobre 2008, [http://www.americanprogress.org/wp-content/uploads/issues/2008/10/pdf/women_poverty.pdf], https://www.americanprogress.org/article/the-straight-facts-on-women-in-poverty/. Guttmacher Institute, « Cost of Abortion Services in the United States, 2009 », [http://www.guttmacher.org/in-the-know/abortion-costs.html];  Rachel  K.  Jones  et  Katherine Kooistra, « Abortion Incidence and Access to Services in the United States, 2008 », Guttmacher Institute, [en ligne],  mars 2011, accessible à [https://www.guttmacher.org/sites/default/files/article_files/4304111.pdf]; voir aussi Monica Simpson, « For the Love of Black Women, It’s Time to End the Hyde Amendment », BlackGirlDangerous, [en ligne], 30 septembre 2016, [http://www.blackgirldangerous.org/2016/09/hyde-amendment].  […]
  • 141
    Alveda C. King, op. cit., 2016.
  • 142
    Juliet Papa, « Controversial Anti-Abortion Billboard Causes Stir in SoHo », CBS N.Y., [en ligne], 23 février 2011, [http://newyork.cbslocal.com/2011/02/23/controversial-anti-abortion-billboard-goes-up-in-soho/]
  • 143
    Ibid. Liz Robbins, « Billboard Opposing Abortion Stirs Debate », City Room, [en ligne], 3 février 2011, [http://www.cityroom.blogs.nytimes.com/2011/02/23/billboard-opposing-abortion-stirs-debate/].
  • 144
    Tout comme les Femmes-Noires vis-à-vis des femmes blanches, les enfants Noir·es ont un différent rapport à l’enfance que les enfants blanc·hes. Cela est particulièrement vrai pour les Filles-Noires, mais ça l’est pour l’ensemble des enfants Noir·es, indépendamment de leur genre. Voir Stacey Patton, « In America Black Children Don’t Get to Be Children » (Opinion), Washington Post, [en ligne], 26 novembre 2014, [https://www.washingtonpost.com/opinions/in-america-black-children-dont-get-to-be-children/2014/11/26/a9e24756-74ee-11e4-a755-e32227229e7b_story.html] […];  voir aussi Taylor Gordon, « 10 Ways Racism Robs Black Children of Their Childhood », Atlanta Blackstar, [en ligne], 14 novembre2014, [http://www.atlantablackstar.com/2014/11/14/10-ways-racism-robs-black-children-of-their-childhood/]. […]
  • 145
    « En 2015, des New-Yorkais ont été interpelés par la police à 22 939 reprises… 12 223 d’entre eux étaient Noirs (54 pour cent). » [Traduction libre.] « Stop and Frisk Data », New York Civil Liberties Union, [en ligne], [http://www.nyclu.org/content/stop-and-frisk-data] (consulté le 13 février 2017).
  • 146
    « Les déterminants sociaux de la santé sont les conditions de l’environnement dans lequel les personnes naissent, vivent, apprennent, travaillent, pratiquent leur foi et vieillissent qui ont une incidence sur tout un éventail de résultats et de risques en matière de santé, de fonctionnement et de qualité de vie. » [Traduction libre.] « Social Determinants of Health », Healthy People, [en ligne], [https://odphp.health.gov/healthypeople/priority-areas/social-determinants-health] (consulté le 7 février 2017).
  • 147
    Selon le CDC, les femmes hétérosexuelles Noires présentent un taux d’infection au VIH plus élevé que les hommes hétérosexuels Noirs, et le taux le plus élevé parmi les femmes, toutes races confondues, derrière les hommes Noirs, latinos, et blancs qui ont des rapports sexuels avec d’autres hommes. Voir « HIV Among African Americans », Center for Disease Control & Prevention, [en ligne], [http://www.cdc.gov/hiv/group/racialethnic/africanamericans/index.html] (dernière mise à jour le 26 septembre 2016).
  • 148
    Voir Gerard M. Nadal, « Black Genocide and Planned Parenthood », Coming Home, [en ligne], 1er février 2010,  [https://www.gerardnadal.com/2010/02/01/black-genocide-and-planned-parenthood] (reproduisant un graphique présenté initialement par le révérend Childress de L.E.A.R.N., la plus grande organisation anti-choix Noire aux États-Unis).
  • 149
    « Bay Area Anti-Abortion Billboards Draw Cries of Racism », CBS San Francisco, [en ligne], 22 juin 2011, [https://www.cbsnews.com/sanfrancisco/news/bay-area-anti-abortion-billboards-draw-cries-of-racism/]. Voir « California: The Abortion Capital of the Nation », TooManyAborted.com, [En ligne], [http://www.toomanyaborted.com/california/] (consulté le 13 février 2017).
  • 150
    Lisa Balde et Charlie Wojciechowski, « Anti-Abortion Billboards Arrive  in  Chicago », NBC Chicago, [en ligne], 29 mars 2011, [http://www.nbcchicago.com/news/local/Anti-Abortion-Billboards-Headed-for-South-Side-118790299.html]. Voir Steven Ertelt, « Pro-Life Billboard in Chicago Uses Obama Image to Hit Abortion », LifeNews, [en ligne], 28 mars 2011, [https://www.lifenews.com/2011/03/28/pro-life-billboard-in-chicago-uses-obama-image-to-hit-abortion/].
  • 151
    Steve Osunsami, « Abortion Billboards: Strong Words Spark Debates in Atlanta’s Black Neighborhoods », ABC News, [en ligne], 22 février 2010, [http://www.abcnews.go.com/WN/billboard-controversy-signs-atlanta-black-children0endangeered-species/story?id=9888149]. « Black Children Are an Endangered Species », TooManyAborted, [en ligne], 4 février 2010, [http://www.toomanyaborted.com/black-children-are-an-endangered-species].
  • 152
    Miriam Zoila-Pérez, « New Anti-Abortion Billboards Give Reproductive Justice Activists Déjà Vu, Colorlines, [en ligne], 17 juin 2015, [https://colorlines.com/article/new-anti-abortion-billboards-give-reproductive-justice-activists-deja-vu/].  Voir « Fetal   Heartbeat:  The Development of Baby’s Circulatory System », What To Expect, [en ligne], [http://www.whattoexpect.com/pregnancy/fetal-heartbeat] (dernière mise à jour le 16 avril 2015).
  • 153
    Joseph Fatzick, « New Pro-Life Billboard is Apparently ‘Racist’ », The Daily Caller, [En ligne], 8 juin 2015, [http://dailycaller.com/2015/06/08/new-pro-life-billboard-is-apparently-racist].
  • 154
    Traduction libre. Angela Y. Davis, op. cit., p. 504-505.
  • 155
    « A HerStory of the #BlackLivesMatter Movement », BlackLivesMatter, [en ligne], [http://www.blacklivesmatter.com/herstory] (consulté le 15 février 2017).
  • 156
    Teddy Wilson, « Missouri Republicans to Push Anti-Choice ‘All Lives Matter’ Bill », Rewire, [en ligne], 11 janvier 2016, [http://rhrealitycheck.org/article/2016/01/11/missouri-republicans-push-anti-choice-lives-matter-bill].
  • 157
    Ibid. « Ce projet de loi sur le statut de personne réduirait dans les faits à néant l’accès à l’avortement, et serait vraisemblablement jugé inconstitutionnel. » Sophia Tesfaye, « Missouri GOP Rep Introduces “All Lives Matters” Bill to Grant Fetuses Personhood », Salon, [en ligne], 13 janvier 2016, [http://www.salon.com/2016/01/13/missouri_gop_rep_introduces_all_lives_matters_bill_to_grant_fetuses_personhood].
  • 158
    Traduction libre. Monica Simpson, « For Black Women’s Lives to Matter, Legislators Must Halt Attacks on Our Bodily Autonomy », Rewire, [en ligne], 14 janvier 2016, [http://rhrealitycheck.org/article/2016/01/14/black-womens-lives-matter-legislators-must-halt-attacks-bodily-autonomy] (citant le représentant Sean Duffy).
  • 159
    Traduction libre. Stephanie M. H. Camp, Closer to Freedom: Enslaved Women and Everyday Resistance in the Plantation South, 2004, p. 94.
  • 160
    […] Loretta Ross, « Understanding Reproductive Justice », Trust Black Women, [en ligne], novembre 2006, [http://www.trustblackwomen.org/our-work/what-is-reproductive-justice/9-what-is-reproductive-justice].
  • 161
    Traduction libre. Loretta Ross, « What Is Reproductive Justice? », dans  Reproductive Justice Briefing Book: A Primer on Reproductive Justice and Social Change, p. 4, [http://www.law.berkeley.edu/php-programs/courses/fileDL.php?fID=4051] (consulté le 15 février 2017). https://as.vanderbilt.edu/archived/gfc/sitemason.vanderbilt.edu/files/k7qtgc/SisterSong%202007%20Reproductive%20Justice.pdf
  • 162
    Ibid.
  • 163
    Ibid., p. 4-5.
  • 164
    Muna Abdullahi, « A Short History of African American Women and Abortion », Trust Black Women, [en ligne], juillet 2010), [http://www.trustblackwomen.org/2011-05-10-03-28-12/publications-a-articles/african-americans-and-abortion-articles/24-a-short-history-of-african-american-women-and-abortion].
  • 165
    Byllye Y. Avery, « Black Women’s Health Imperative », [http://www.bwhi.org/staff-and-board-members/board-member/byllye-nbsp-y.-nbsp-avery-nbsp/] (consulté le 15 février 2017).
  • 166
    Ibid.
  • 167
    Voir, par exemple,  Michael Pearson, « Women Embrace, Criticize, #ShoutYourAbortion », CNN, [http://www.cnn.com/2015/09/22/living/shout-your-abortion-feat/] (consulté le 29 septembre 2015) (description de la manière dont des femmes utilisent les médias sociaux pour dé-stigmatiser l’avortement); voir aussi Tasha Fierce, « I Just Had an Abortion »,  Ebony , [en ligne], 12 janvier 2015, [http://www.ebony.com/wellness-empowerment/i-just-had-an-abortion-403#axzz3xGPJ2Nt5] (relatant les raisons et les expériences d’une Femme-Noire ayant vécu un avortement).
  • 168
    Traduction libre. Renee Bracey Sherman, « Dr. Ben Carson’s Tall Tales About Abortion and Black Women », Al-Jazeera America, [en ligne], 1er septembre  2015, [http://america.aljazeera.com/opinions/2015/9/dr-ben-carsons-tall-tales-about-abortion-and-black-women.html].
  • 169
    Traduction libre. Cherisse Scott, « New Billboards Bring Message to Empower and Inspire Black Community », Rewire, [en ligne], 7 octobre 2015, [https://rewirenewsgroup.com/2015/10/07/new-billboards-bring-messages-empower-inspire-black-community/]. Voir « “Pro-Women” Billboards Going up across Memphis », Local Memphis, [en ligne],  [http://www.localmemphis.com/news/local-news/new-pro-choice-billboards-debut-in-memphis/198899775] (consulté le 9 décembre 2017) pour plus de détails sur ces panneaux d’affichage.
  • 170
    Cindy Cooper, « Billboards by SisterReach Put Reproductive Justice on High in Memphis », Words of Choice: Up the Creativity, [en ligne], 13 août 2015, [http://www.wordsofchoice.blogspot.com/2015/08/billboards-by-sisterreach-put.html].
  • 171
    Ibid.
  • 172
    « About the Black Lives Matter Network », BlackLivesMatter, [en ligne], [http://blacklivesmatter.com/about/] (consulté le 16 février 2017).
  • 173
    « About #SayHerName », African American Policy  Forum, [en ligne], [http://www.aapf.org/sayhername] (consulté le 16 février 2017).
  • 174
    « SisterSong », [en ligne], [http://www.sistersong.net] (consulté le 16 février 2017).
  • 175
    « About Us », SPARK!, [en ligne], [https://sparkrj.org/about-us/].
  • 176
    Ibid.
  • 177
    Voir supra note 9 et le texte correspondant.
  • 178
    Susan A. Cohen, « Abortion and Women of Color: The Bigger Picture », Guttmacher Policy Review, vol. 11, no 3, 2008, [https://www.guttmacher.org/gpr/2008/08/abortion-and-women-color-bigger-picture].
PDF (français)
activismes antiféminisme avortement États-Unis femmes noires militance racisme Stéréotypes

Dobbins-Harris, Shyrissa,  2025, Raby,  traduit de l’anglais par Patrick Cadorette « Le mythe de l’avortement en tant que génocide des Noir·es : recouvrer nos choix en matière de procréation », Revue Préfix, MutitmiX  Été 2025, Version en ligne: https://revues.uqam.ca/prefix/multimix/le-mythe-de-lavortement/

 

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