Les études féministes dans la francophonie : témoignage d’une pionnière
D’entrée de jeu, j’aimerais souligner le travail exceptionnel réalisé par l’équipe de l’IREF qui a permis la tenue ce colloque sur le rôle pionnier de l’UQAM dans le développement des études féministes dans la francophonie. C’est avec émotion et un brin de nostalgie que j’ai accepté de partager mes souvenirs sur les circonstances et les conditions ayant favorisé l’émergence d’un réseau de chercheures et d’enseignantes en études féministes dans une jeune université qui en était encore à ses premières armes. Je remercie l’IREF de m’avoir donné l’occasion de faire ce travail de mémoire essentiel à mon propre cheminement, mais également important pour les jeunes générations de féministes qui profiteront de cette mise en perspective des luttes pour la défense des droits des femmes et pour l’accès à une formation universitaire en études féministes.
Le Québec et la décennie ‘70
L’UQAM ouvre ses portes en 1969, à une époque où la société québécoise connait des bouleversements sociaux, économiques et politiques majeurs. Nouvellement affranchie de l’autorité de l’Église, portée par les espoirs d’émancipation et de modernisation de la Révolution Tranquille, la société québécoise vit cependant des heures de grandes tensions qui culmineront au moment de la crise d’Octobre ’70 et de la lecture publique du Manifeste du FLQ qui dénonçait le système capitaliste et les inégalités de classes. À l’instar de plusieurs pays occidentaux, le Québec est alors le théâtre de nombreuses manifestations étudiantes, syndicales, féministes et anticolonialistes.
Les années ‘70 ont été pour les femmes de ma génération (nous venions d’avoir 20 ans) des années déstabilisantes parce que synonymes de ruptures avec les institutions dominantes (Église, mariage, famille), avec les rôles qui nous étaient traditionnellement assignés (épouse-mère-ménagère), mais elles ont aussi été exaltantes grâce à l’effervescence du mouvement des femmes qui se mobilisait pour dénoncer les abus de pouvoir sur le corps et la vie des femmes et militer en faveur d’une libération du système patriarcal, capitaliste et colonialiste.
Nous aurons les enfants que nous voulons
Je suis issue d’une lignée de femmes ayant connu des grossesses multiples et non désirées, pour qui le célibat n’a jamais été un choix délibéré, des femmes à qui la société disait que leur « destin » était de prendre soin de leurs proches au nom de l’amour filial, conjugal et maternel, et d’envisager sa vie active dans les limites de l’univers domestique loin du marché du travail. C’est donc sans hésitation que j’ai fait miennes les revendications de celles qui désiraient rompre avec une trajectoire de vie tracée d’avance, ne plus avoir à se soumettre à la Loi des autres (l’Église et l’État), en plus de nourrir des espoirs d’autonomie financière grâce à l’accès à un travail salarié.
J’appartiens à cette génération de baby-boomers pour qui l’horizon éducationnel et professionnel s’est révélé plus ouvert et diversifié que pour les générations précédentes, entre autres grâce à la mise en marché de la pilule contraceptive à partir de juin 19601À noter que la prescription de la pilule à des fins contraceptives demeure illégale au pays jusqu’à l’adoption du Bill omnibus qui, en 1969, retire du Code criminel la loi qui interdit la diffusion d’information sur les méthodes contraceptives et la vente de produits contraceptifs., à l’accès à l’éducation supérieure et à l’intégration progressive des femmes dans des sphères d’emploi autrefois réservées aux hommes. Si des gains majeurs ont été obtenus à partir des années ’70, c’est en raison de la combativité et de la solidarité des femmes qui sont descendues dans la rue et ont réclamé le droit à des congés de maternité payés plein salaire, l’accès à des garderies subventionnées par l’État et un ensemble de mesures favorisant l’égalité salariale et la fin des discriminations en emploi. Malgré cette émancipation graduelle des femmes, tous les obstacles à leur affranchissement (légal, économique, politique, etc.) ne se sont pas volatilisés pour autant.
Les années ’70 ont été marquantes dans l’histoire du mouvement des femmes, car elles ont fait écho à un ensemble de dénonciations publiques contre la médicalisation de la vie reproductive des femmes (de la puberté à la ménopause), contre l’expropriation du savoir des femmes en matière d’accouchement, contre l’imposition d’une seule norme sexuelle, en l’occurrence l’hétérosexualité, et contre les violences faites aux femmes et leur déni dans le discours social.
Des auteures inspirantes
Comment ne pas évoquer les contributions de celles qui, pour la première fois, ont mis des mots sur la folie des femmes, brisé le silence entourant les abus subis en toute impunité et tracé la voie pour une possible transformation de la société patriarcale, capitaliste et colonialiste. Inspirées par les écrits de philosophes, anthropologues, sociologues, historiennes, psychanalystes, journalistes et romancières, nous avons appris à reconnaitre l’apport réel des femmes à l’histoire sociale, politique et économique des sociétés contemporaines, et à identifier les principales formes d’appropriation auxquelles elles ont été soumises à travers les âges. Loin d’être exhaustives, les références mentionnées ci-dessous sont le reflet des préoccupations de l’époque (les miennes en particulier) et ont le mérite d’avoir alimenté la réflexion et les discussions de milliers de femmes, souvent réunies en groupes de conscientisation et avides de comprendre les enjeux et défis d’une véritable libération des femmes.
- Une chambre à soi de Virginia Woolf (1929 publication originale)
- Le Deuxième Sexe (1949) de Simone De Beauvoir
- La femme mystifiée (1964) de Betty Friedan
- La politique du mâle (1969) de Kate Millet
- La dialectique du sexe (1970) de Shulamith Firestone
- La femmes eunuque (1970) de Germaine Greer
- Du côté des petites filles (1973) d’Elena Belotti
- Le pouvoir des femmes et la subversion sociale (1973) de Mariarosa Della Costa et Selma James
- Les mots pour le dire (1974) de Marie Cardinal
- Ainsi soit-elle (1975) de Benoite Groulx
- Les femmes et la folie, (1975) de Phyllis Chesler
- Le viol (1976) de Susan Brownmiller
- Toilettes pour femmes (1977) de Marylin French
- Ce sexe qui n’en est pas un (1977) de Luce Irigaray
- L’histoire des mères (1977) d’Yvonne Knibielher et Catherine Fouquet
- L’amour maternel (1980) d’Élizabeth Badinter
- Naitre d’une femme. La maternité en tant qu’expérience et institution (1980) d’Adrienne Rich
- La femme gelée (1981) d’Annie Ernaux
- L’hétérosexualité obligatoire et l’existence lesbienne (1982) d’Adrienne Rich
Dans un même ordre d’idées, il y a lieu de rappeler les prises de paroles de journalistes, de romancières et de dramaturges québécoises qui, au cours des décennies ‘70 et ’80, ont contribué à l’émergence de discours et de pratiques féministes particulièrement inspirants pour le mouvement des femmes et pour toutes les femmes en quête de nouveaux savoirs et pouvoirs d’agir. En voici quelques exemples :
- Le Théâtre des Cuisines est mis sur pied en 1974 par des militantes qui veulent faire du théâtre de combat avec des femmes. À son répertoire figurent plusieurs pièces qui dénoncent l’obligation d’être mère, le travail invisible des femmes et leur difficulté de s’affranchir de l’univers domestique. Les plus connues d’entre elles sont : Nous aurons les enfants que nous voulons (1974), Maman a trop d’ouvrage (1976) et As-tu vu les maisons s’emportent? (1981).
- Louky Bersianick (1976) écrivait dans L ’Euguélionne : « Si une femme a du génie, on dit qu’elle est folle. Si un homme est fou, on dit qu’il a du génie. Voilà un puissant ressort au mutisme des femmes ».
- Les revues féministes telles que Les têtes de Pioche (1976-1979), Des luttes et des rires (1978-81) et La Vie en rose (1980-1987), ont connu une grande popularité auprès des lectrices à la recherche d’un discours dénué de préjugés sexistes et libéré d’une morale religieuse et conservatrice sur la sexualité, les rapports amoureux, la maternité, le travail domestique, etc. Les articles signés par de jeunes journalistes féministes étaient souvent impertinents et marqués par une volonté de changement et d’émancipation dans toutes les sphères de la vie des femmes.
Des origines de l’UQAM … au déploiement des études féministes
Je suis des premières cohortes étudiantes qui, à la fin des années 1960, ont eu l’opportunité de fréquenter des collèges d’enseignement supérieur laïques et mixtes, ce qui a signifié un changement majeur pour tous ceux et celles qui avaient connu l’austérité d’une école primaire et secondaire dirigée par des communautés religieuses. Par la suite, je me suis inscrite en sociologie à l’UQAM et j’ai eu le privilège de côtoyer plusieurs professeurs d’origine québécoise et étrangère (Argentine, Chili, Espagne) dont l’enseignement s’inspirait principalement des théoriciens marxistes et des penseurs de la libération. À cette époque, bien que les professeurs femmes aient été minoritaires au sein du département de sociologie, l’influence qu’elles ont exercé sur les étudiant.e.s a été fondamentale. De la mouvance politique et militante en provenance des pays de l’Amérique latine, j’ai retenu les nombreuses discussions avec des professeurs engagés dans des luttes de libération nationale qui ont contribué à ouvrir nos horizons à d’autres univers politiques et culturels que ceux du Québec et de l’Amérique du Nord.
Au début des années ‘70, les programmes universitaires dotés de cours ayant une perspective féministe sont quasi-inexistants, les références bibliographiques faisant mention de publications féministes le sont tout autant. La présence des femmes parmi le personnel enseignant est encore embryonnaire, situation qui sera appelée à changer progressivement avec leur accès grandissant à une diplomation de niveau supérieur et l’adoption des programmes de lutte contre la discrimination en emploi. Nul doute que l’horizon des études féministes (programmes d’enseignement et de recherche) était fort limité faute de ressources humaines et financières et faute d’un soutien institutionnel. Les forces vives du mouvement des femmes et du féminisme se déployaient majoritairement dans le milieu communautaire, faisant ainsi avancer la cause des femmes, sans pour autant avoir toutes les assises théoriques nécessaires pour participer au renouvellement des analyses historiques, sociologiques, politiques, anthropologiques, etc., concernant l’évolution des rapports sociaux de sexes.
Malgré la rareté des ressources destinées à venir en aide aux femmes, malgré l’absence de volonté politique et sociale pour reconnaitre et documenter les violences faites aux femmes, malgré le silence complice des pouvoirs religieux, judiciaires et politiques, les années ’70 ont vu se multiplier les occasions qui m’ont sensibilisée à la problématique des inégalités sociales et des rapports de domination dont les femmes ont fait les frais depuis la nuit des temps. Il y eut tout d’abord ma militance dans un groupe communautaire axé sur la défense des droits des assistés sociaux et assistées sociales (ADDS), puis ma participation aux premières célébrations du 8 mars organisées par les centrales syndicales et enfin les nombreuses manifestations pour le droit à l’avortement et à la contraception libre et gratuite. Progressivement, je me suis sentie concernée, touchée, mobilisée par le discours des militantes féministes qui arpentaient la rue, pancartes à la main, parfois enchainées les unes aux autres, pour réclamer un meilleur contrôle de leur vie et la fin des discriminations envers les femmes (rappelons qu’au procès de Paul Rose, en 1971, les femmes n’avaient toujours pas le droit d’être jurées). Le privé est politique, principal cri de ralliement du mouvement des femmes, est devenu une référence incontournable, un leitmotiv à mon engagement féministe.
La formation en travail social à l’UQAM s’ouvre à des perspectives féministes
Au début des années ‘80, le regroupement des professeur.e.s en travail social de l’UQAM (auquel je m’étais jointe en 1978) procède à une refonte majeure du programme de baccalauréat qui se traduit par une volonté de « favoriser la formation de travailleuses sociales et de travailleurs sociaux critiques et équipés qui, dans une perspective de changement social, axent leurs interventions sur l’interaction fondamentale entre, d’une part, l’individu et/ou les groupes et, d’autre part, les structures sociales »2https://travailsocial.uqam.ca/wp-content/uploads/sites/57/2019/11/50ans_OpusculeLong_1122.pdf. C’est dans la foulée de cette révision du programme que fut introduit un premier cours obligatoire sur les rapports sociaux de sexe intitulé : Condition féminine et condition sociale. L’UQAM sera pendant plusieurs années la seule université canadienne à défendre la pertinence et le statut d’un tel cours dans sa formation en travail social.
Nos arguments justifiant ce choix auprès des instances universitaires et professionnelles étaient de deux ordres. Premièrement, le travail social est une profession traditionnellement féminine (plus de 85% des intervenantes sont des femmes, la plupart choisissent le travail clinique alors que les hommes privilégient l’intervention communautaire). Dans leur cursus universitaire, les étudiantes en travail social ont tout intérêt à développer leur capacité d’auto-analyse eu égard à leur histoire de vie, à leur propre oppression et aux préjugés qu’elles risquent de véhiculer à l’égard des femmes et des familles dont elles auront la charge. Deuxièmement, les femmes ont toujours les principales utilisatrices des services sociaux et de santé pour leurs besoins personnels et ceux de leur famille. Or, quel regard avions-nous sur les multiples problématiques sociales vécues par cette clientèle : grossesses à l’adolescence, délinquance, pauvreté, itinérance, dépression, toxicomanie, inceste, violence familiale et conjugale, monoparentalité, immigration, etc. ? Nous étions d’avis que les professionnel.le.s qui sont aux premières loges de ces services doivent être formés et outillés pour intervenir de manière juste et non-discriminatoire.
Une fois l’étape de l’acceptation de ce cours franchie (en 1979), il fallait en préciser le contenu et penser à ses orientations théoriques et méthodologiques dans un contexte où un tel cours n’avait pas d’antécédent. De quelles ressources allions-nous disposer pour construire ses assises, documenter les problématiques au cœur de l’expérience des femmes et des familles et penser au renouvellement des pratiques d’intervention? En tant que responsable de sa conception, j’ai voulu tout d’abord mettre en lumière le caractère politique du vécu quotidien des femmes. Le célèbre adage du mouvement des femmes, Le privé est politique, s’est imposé comme le fil conducteur de ce cours. Inspirée par les écrits féministes de l’époque, je voulais encourager les étudiant.e.s à questionner le discours dominant et moralisateur sur le mariage indissoluble, la famille biparentale, l’instinct maternel, la maternité comme seule voie d’épanouissement des femmes, la complémentarité des rôles parentaux, jugeant que tous ces dictats n’avaient plus leur raison d’être dans la formation des travailleuses sociales; d’autres perspectives analytiques ont été développées, d’autres enjeux et défis concernant la vie et le devenir des femmes ont été énoncés.
Plusieurs courants de pensée féministes ont alimenté les analyses et actions du mouvement des femmes, d’hier à aujourd’hui. Dans ma propre trajectoire personnelle, militante et professionnelle, ce sont des auteures issues du féminisme radical et matérialiste qui m’ont le plus influencée, sans toutefois nier l’apport des féministes égalitaires. Parmi les théoriciennes qui, à partir des années 1975, ont joué un rôle phare dans l’énonciation d’une pensée critique et féministe et contribué à l’enrichissement et à l’approfondissement des connaissances sur les rapports sociaux de sexes, mentionnons ces féministes radicales matérialistes dont les premiers ouvrages ont eu une portée majeure:
- Christine Delphy publie « L’ennemi principal » dans la revue Partisans (1970) et met en avant le travail domestique comme base du mode de production capitaliste.
- Colette Guillaumin (1978) publie « L’appropriation des femmes » et « Le discours de nature » dans la revue Questions féministes.
- Nicole-Claude Matthieu (1985) est l’auteure de L’arraisonnement des femmes. Essai en anthropologie des sexes.
Au milieu des années ‘80, un deuxième cours, Condition féminine et condition sociale II, a été ajouté à la formation en travail social, dont un des objectifs était de questionner le discours et l’attitude des experts dans le système de santé et services sociaux (psychiatres, médecins), de même que dans le système de justice (policiers, avocats, juges), vis-à-vis une population vulnérable, parfois en détresse, désignée souvent de manière péjorative de mères irresponsables, incompétentes et négligentes, de familles dysfonctionnelles, assistées sociales de générations en générations, etc.. En d’autres mots, un tel cours avait pour objectif premièrement de sensibiliser les étudiant.e.s aux stéréotypes sexistes présents dans les ouvrages de référence en psychologie et en travail social et, deuxièmement, de les introduire à des pratiques féministes en tant qu’alternatives aux modèles d’intervention traditionnels (thérapie familiale, conjugale, etc.). Pour soutenir ces visées de changement paradigmatique, nous avons bénéficié d’une conjoncture exceptionnelle dans le mouvement des femmes, mais aussi dans les milieux institutionnels.
Des événements marquants
Au cours de la décennie 80, au Québec, nombre de conférences, colloques, sessions de formation sont organisées sur le thème de la santé mentale, de la violence faite aux femmes, de l’humanisation de l’accouchement, etc. Des milliers de femmes (professionnelles, étudiantes, militantes ou usagères) témoignent de leur expérience traumatisante avec les experts en lien avec l’enfermement psychiatrique et la médicalisation des différentes étapes de leur vie.
En 1979, les psychologues Roxane Simard et Louise Mallette donnent une conférence, à l’hôpital Louis-H Lafontaine au cours de laquelle, pour la première fois, elles dénoncent le mépris des psychiatres envers les femmes, leur approche infantilisante, culpabilisante, et leurs tentatives de réprimer toute manifestation d’autonomie ou d’insubordination. En 1981, elles publient Va te faire soigner, t’es malade, un ouvrage qui aura un impact majeur dans le milieu de la santé mentale et des services sociaux.
D’autres professionnelles en santé mentale vont, par la suite, dénoncer les thérapies traditionnelles qui prônent l’ajustement des femmes à leur situation d’opprimée plutôt que la révolte ou l’expression de la colère ; elles leur reprochent de reproduire le modèle médical et autoritaire qui donne au thérapeute le statut d’expert et réduit les femmes à l’impuissance et à la passivité. L’Avis du Conseil du statut de la femme (1978) : Pour les Québécoises : égalité et indépendance, fait état de statistiques alarmantes sur les diagnostics médicaux, la psychiatrisation et les traitements administrés aux femmes (électrochocs, tranquillisants).
C’est dans ce contexte qu’un groupe d’enseignantes en travail social (UQAM et U de M) dont je faisais partie, a entrepris en 1980 une recherche bibliographique sur le concept de thérapie féministe. Après avoir repéré les écrits de thérapeutes et militantes féministes américaines ayant fait œuvre de pionnières dans le domaine, nous avons énoncé les fondements et principes d’un modèle d’intervention alternatif auprès des femmes susceptible de leur redonner du pouvoir sur leur corps, leur santé et leur destin. En 1983, notre équipe publiait les résultats de cette recherche sous le titre : L’intervention féministe, une alternative au sexisme en thérapie. Ce livre sera la principale référence en langue française pendant plusieurs années tant dans le milieu institutionnel que communautaire. Le choix du terme intervention féministe plutôt que celui de thérapie féministe traduisait alors notre opposition à l’idée que les femmes qui consultent les experts sont malades; nous pensions, au contraire, qu’elles sont engagées dans une démarche de contestation des rôles traditionnels et de réappropriation de leur vie.
L’IREF, un lieu de synergie entre le milieu universitaire et communautaire
Pour conclure cette réflexion assez impressionniste sur les origines des études féministes à l’UQAM, j’aimerais souligner les efforts déployés par l’IREF, tout au long de son histoire, pour favoriser la concertation et la collaboration entre les enseignantes, chargées de cours, professionnelles de recherche et étudiantes, d’une part, et le milieu féministe d’autre part. Sans la capacité d’accueil, la vigilance, l’expertise et le soutien indéfectible de l’IREF au fil des ans, bien des projets et des équipes de recherche, bien des programmes de formation, n’auraient pu voir le jour et se déployer avec autant de vigueur. À cela s’ajoute le rôle essentiel et totalement novateur joué par le Service aux collectivités sans lequel nombre de collaborations entre universitaires et groupes de femmes n’auraient pu voir le jour et donner lieu à des productions aussi significatives dans l’avancement des connaissances.
En terminant, permettez-moi d’évoquer le nom d’une collaboratrice, une complice de longue date, Francine Descarries, professeure en sociologie et membre fondatrice de l’IREF, avec qui j’ai eu le grand bonheur et la chance exceptionnelle de déployer plusieurs projets de recherche traitant de la maternité, de l’articulation famille-travail, du travail domestique, et de l’évolution des discours et pratiques du mouvement des femmes au Québec. De ces années passées à l’UQAM (1980-2008), mes souvenirs les plus précieux sont liés aux moments de complicité, aux heures de dur labeur et aux victoires de tous genres célébrées en compagnie de collègues professeures de l’IREF, d’étudiantes et de professionnelles de recherche.
Notes de bas de page
- 1À noter que la prescription de la pilule à des fins contraceptives demeure illégale au pays jusqu’à l’adoption du Bill omnibus qui, en 1969, retire du Code criminel la loi qui interdit la diffusion d’information sur les méthodes contraceptives et la vente de produits contraceptifs.
- 2https://travailsocial.uqam.ca/wp-content/uploads/sites/57/2019/11/50ans_OpusculeLong_1122.pdf
Cahier IREF
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